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Les chroniques de Sou Empty Les chroniques de Sou

Ven 3 Juil 2020 - 0:48
24e jour du 4e mois de l’année 2128
Le soir, mes compagnons et moi-même nous réunissons chez Sir Abel. Après quelques bières servis, assiettes vidées et calembours jetés, j’aborde le sujet de la tour du Mage. Je ne suis pas certaine de ce que nous y trouverons mais si la tour a bien été habitée par un magicien, elle doit nécessairement contenir des documents et ouvrages importants. Rien d’autre ne m’intéresse et je ne crois pas vraiment aux fables que conte Caracole à propos de ce vieux bâtiment. S’il n’y a pas de fumée sans feu, je suis persuadée que la vérité cache quelque chose de moins fantasque (ou de plus dangereux). Après moult incertitudes concernant les évènements récents à Gavecombe, il est décidé que nous irons quérir certaines informations au Belvédère, le lendemain. La suite de la soirée me semblera interminable (bien que Caracole nous ait bien régalé de l’une de ses réjouissantes représentations dont il a le secret, aidé de Smeralda). Mes compagnons manquent d’une certaine sobriété et je dois bien admettre que je ne suis pas à mon aise. Lorsque la fatigue se fait sentir dans le groupe, Abel accepte d’héberger tout le monde en dépit de la rigueur pécuniaire qui astreint ses parents. Ce sont des gens discrets mais généreux.

25e jour du 4e mois de l’année 2128
Le lendemain, après des échanges embarrassants avec Arthrus qui n’est définitivement pas un nain discret, nous nous préparons pour aller au Belvédère où nous somme accueillis par un scribe d’un âge honorable (entre temps, je crois que nous avons perdu notre ami Arthrus, quelque part entre les vieilles pierres de l’édifice). Après avoir récolté les renseignements que nous voulions, le scribe nous conseille d’aller à la rencontre des chevaliers de la Coterie pour glaner quelques autres précieuses informations. Avant cela, nous décidons tout de même de nous diriger vers la Résidence Bleue où est logé un magicien qui intrigue et inquiète le Conseil de l'Aréopage.

Il s’appelle Nuonna et c’est un homme calme et intriguant. Sa bienveillance et sa générosité désintéressée sont fascinantes. Nous lui posons un certain nombre de questions mais il s’avère rapidement que le magicien (Théocratien, d’après ses dires) n’a rien d’un charlatan ou d’un sorcier de mauvais augure. Smeralda, Sir Abel et moi-même nous cotisons pour offrir une journée de quiétude illusoire à notre ami Arthrus (ayant évoqué plusieurs fois un mal-être inquiétant, au cours de nos présentations respectives). Le sort semble faire bon effet bien que ce changement d’attitude un peu brusque m’inquiète. Après un copieux repas à l’auberge du Valserein (je ne fais, pour ma part, que jouer avec la mie de mon pain), nous repartons. Nous prenons mules et bagages pour nous diriger vers Castelvigor où s’est installé la Côterie. Nous prévoyons de continuer directement vers la Tour, après ce petit crochet.

Sur place, nous rencontrons un autre homme très charmant qui se présente comme le garde de l’entrée de Castelvigor et membre de la garde de Chastalbâtre. Son nom rappelle évidemment son lien familial avec la Grande Paladine du Sanctuaire. Il évoque avec nous son désir honnête de stabilité politique dans la région ainsi que de la présence de bandits. Des bandits installés depuis un certain temps et dont la capture est sujette à une récompense. Smeralda ne semble pas savoir où donner de la tête entre des affaires de rituels étranges sur des cadavres de cerfs dans la forêt (dont personne ne semble avoir eu vent) et une bande de voleurs dangereux. Je la soupçonne de préférer le tintement de l’or à la fascination du mystère.

Nous avons appris beaucoup de choses et je ne sais toujours pas si Caracole crois en ces histoires de dragons d’or près de la Tour de Disque-Nuit ou s’il se joue de nous. Nous le saurons après qu’il ait récupéré ses affaires au village. Cependant, nous étudions l’idée de retourner tous ensemble à Gavecombe afin de se renseigner auprès de la petite (et discrète) communauté elfique. De nos informations, ce sont eux qui eurent le privilège d’échanger avec l’ancien Mage de la Tour, supposé mort ou parti. Je ne suis pas intéressée par le massacre primé des Maraudeurs Prestes et il apparaît que Maître Nuonna est honnête dans sa démarche. Mais toute cette confusion autour de ce bâtiment que je suppose abandonné aux dieux du temps m’intrigue et me frustre. J’ai hâte de découvrir ce qu’il se trame réellement à Disque-Nuit. Là-dessus, je pense que nous pourrions avoir d’avantage d’intérêt à en tirer que ce que mon érudit comparse ne l’imagine.


Dernière édition par PnP le Sam 4 Juil 2020 - 11:33, édité 1 fois
NatakuSq
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Sam 4 Juil 2020 - 10:40
PnP a écrit:Aéropages

Attention, c'est Aréopage.
Contrairement à beaucoup de mots, l'étymologie n'est pas Aéro (l'air) mais Aréo (Arès).

_________________
"Pray for the children you lost along the way
Still remember the names and faces…
Cold and abandoned they cry, their fate put in your hands.
When it’s over they come to haunt you…"
-One more soul to the call
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Les chroniques de Sou Empty Re: Les chroniques de Sou

Mer 26 Aoû 2020 - 13:14
Nous sommes donc retournés à Valserein, retournant sur nos pas afin de mieux préparer notre expédition vers la Tour de Disque-Nuit. Une occasion de plus pour discuter avec les locaux et en apprendre davantage sur les elfes et nains autochtones. C’est ainsi que l’un des employés nous informe que la majeure partie des habitant séculaires de la région habitent le Camp Bohémien. Tout cela est intriguant mais nous avons une journée déjà chargée et nous devrions prendre la route bientôt : Juste le temps que Caracole nous offre l’une de ses délicieux arias et nous devrions repartir.

Je suis trop naïve.

Un homme semble interpeller Smeralda et nous devinons tous très vite la nature de leur relation. J’ignore s’il s’agit d’un contrebandier, d’un roublard ou d’un criminel. Et je n’attends pas de le savoir pour échapper à la transaction de drogue que Smeralda et son contact entreprennent. Je ne veux pas me rendre complice de tout cela. Arthrus ne devrait pas non plus en être mêlé alors je l’emmène au-dehors de l’auberge afin de nous adonner à de plus saines activités. Nous nous mettons à étudier l’architecture des bâtiments de la ville. Nous datons, nous commentons, nous analysons et Arthrus, sous l’effet de l’enthousiasme de notre discussion (et du sortilège d’euphorie), semble enclin à avouer d’étranges théories lithophiles. Je n’ose pas le contredire lorsqu’il souhaite m’expliquer que les pierres auraient des sentiments et notre conversation devient très fatiguante pour moi. Je fais mine de continuer à marcher pour retourner à Valserein. Smeralda doit sans doute avoir terminé ses sombres affaires et il serait temps de prendre la route.

Cependant, en revenant, nous apprenons que Sir Abel serait sorti de l’auberge sans nous en aviser. Nous le cherchons aux alentours de l’auberge, demandons des renseignements sur la direction qu’il aurait prise puis nous décidons d’aller le chercher. Logiquement, il devrait aller soit au sanctuaire de son dieu titulaire à Chastalbâtre, soit à la ferme de ses parents. Alors nous nous séparons : Je ne suis pas à l’aise à l’idée de rencontrer les paladins alors je me porte volontaire pour aller à la ferme tandis qu’Arthrus et Smeralda se dirigent vers Chastalbâtre, vainement.

Effectivement, lorsque Caracole et moi-même arrivons à la ferme, l’accueil du père se fait inquiétante. Paniqué, il nous explique qu’Abel est bel et bien chez eux mais qu’il n’est pas « normal ». La stupeur est totale : Sir Abel est allongé dans la salle à manger, inerte. Pourtant, ses yeux sont ouverts. Sa respiration est fonctionnelle, son cœur bat. Son corps est intact mais il ne nous faut pas longtemps pour comprendre que son esprit, lui, est ailleurs. Sir Abel est catatonique, mutique. Et nous restons impuissants face à ses réactions quasi-inexistante. Le rêve éveillé se transforme de nouveau en cauchemar. Pourquoi orbite-t-il autant de drames autour d’un homme au raisonnement aussi bonhomme ?

Il n’est pas encore l’heure aux questions existentielles. En attendant, j’inspecte le corps d’Abel, je tente de sentir la magie qui émane de son corps. Nécromancie. La magie émane de son dos d’où je
découvre de terribles marques. Il y en a six et je les reconnais comme étant des marques de la Justice. Des marques provoquent une malédiction lorsque le porteur enfreint les règles que la marque lui imposent. Cette découverte me laisse perplexe : Sir Abel aurait-il fait faire ses marques avant ou après notre rencontre ? Peu de chances que ce soit après puisque poser les six marques demandent du temps. Dans ce cas, qui les lui a apposés ? Pourquoi ? Et quel comportement Abel a-t-il eut aujourd’hui pour que les marques se soient activées ? Je me demande alors : Sir Abel n’avait-il pas sa vengeance à abattre sur les Gardiens de la Source ? Je pensais jusqu’à présent que Sir Abel avait certainement eut le mal du pays pour désirer revenir à Gavecombe mais je commence à me dire qu’il avait peut-être une toute autre affaire à régler, dans la région. Je trouve cependant étrange qu’il aurait gardé cela secret jusqu’à aujourd’hui…

Les questions sont nombreuses mais nous devons prioriser la libération de Sir Abel. Et nous ne connaissons qu’un seul magicien capable d’un tel exploit. Après que Caracole ait été cherché Smeralda et Arthrus, nous allons quérir l’aide de Maître Nouhona tandis que Smeralda décide de veiller sur les parents, dans l’éventualité où les Gardiens de la Source ne décident de s’en prendre à sa famille. Nous connaissons la bienveillance de Maître Nouhona : Il accepte d’ausculter Sir Abel et nous l’emmenons à la ferme où il nous informe qu’il n’est pas capable de l’aider. Il ignore les subtilités de la délivrance des malédictions mais des prêtres seraient peut-être aptes. Alors nous nous décidons d’aller à Chastalbâtre où les paladins doivent nécessairement dénombrer des prêtres capables d’une telle prouesse.

Je découvre alors ce bâtiment majestueux. Un lieu de prière, fortifié et dont l’ardeur du soleil a blanchi les murs. Chastalbâtre est encastré dans la montagne et tout le bâtiment aurait de quoi émoustiller les intérêt d’Arthrus. Cependant, nous ne sommes pas ici pour ça et nous y rencontrons Hal’Aelothual (signifiant « subtile chevalière de la porte sacrée » en elfique) ainsi que la grande paladine Eligore, fille de Morcera qui porte l’emblème d’Oi-ù, le dieu de la Lumière et de la Justice, que prie notre ami Sir Abel. Toute cette stupéfiante discipline me réconforte. Je ne m’adresse pas souvent aux dieux mais je prie pour que l’on puisse nous aider.

Toutefois, ni les paladins ni les prêtres ne sont dans la capacité de nous aider. Un peu dépités, nous déposons alors Sir Abel entre les mains de son dieu, au sanctuaire tandis que nous réfléchissons à une solution, à la ferme. Nous discutons longuement. Mes espoirs s’amenuisent mais ne sont pas tout à fait éteints. Je propose de faire route vers la tour de Maître Gallen, dans l’éventualité où nous ne trouvons aucun réconfort à Disque-Nuit. Cette idée chemine dans l’esprit de notre bravade et tandis que mes compagnons vont se reposer à l’auberge, je décide de retourner m’occuper d’Abel, au sanctuaire. J’ai peur que le manque d’activité physique et spirituelle ne finisse par atrophier son corps et son âme. Alors je prends soin de lui en espérant que le temps passé dans cet état ne laissera aucune séquelle lorsqu’il sera délivré de sa malédiction. Même si je doute que tout cela ne serve à quelque chose, je préfère ne prendre aucune espèce de risque. Et tandis que je prends soin de Sir Abel, j’espère que l’enquête de mes compagnons portera ses fruits.

Lorsque Abel s’endort, je tente que trouver un lieu où trouver des ouvrages intéressants, au sanctuaire. Au milieu de la nuit, je rencontre un paladin qui m’informe qu’il m’est interdit de me trouver dans ces lieux. Il me raccompagne à la chambre de Sir Abel et je sens que cette nuit va encore être longue : Ecrire sur les évènements de la journée ne devrait pas prendre plus de quelques heures.

26e jour du 4e mois de l’année 2128

A l’aube, après avoir relu mon grimoire une treizième fois, je décide de faire mes affaires pour me diriger vers l’auberge où les insinuations de Caracole m’indiquent que Smeralda a encore laissé traîner ses effets personnels n’importe où. Je me dois d’être honnête : Je me sens froissée même si Smeralda est en droit de partager ses nuits avec qui elle veut. L’idée que la sienne fut infiniment plus agréable que la mienne doit sans doute me rendre jalouse. Mais nous n’avons pas le temps de discuter des coucheries douteuses de ma comparse. Nous prenons nos affaires et la route vers Disque-Nuit.

Je prends alors renseignement sur l’enquête de Valserein. Nous savons que Abel a lu un papier donné par quelqu’un dont nous ignorons l’identité, à l’auberge. Ce serait un marchand. Le même qui a parlé à Smeralda et que j’ai d’abord pris pour un bandit. Tout ce que j’espère, c’est que Smeralda ne soit pas liée à cette affaire. Pas parce que je ne pourrais pas lui pardonner d’avoir agi comme elle a toujours agi mais parce que je ne me pardonnerai jamais d’avoir fermé les yeux sur cette affaire, coûtant peut-être la vie de la personne qui m’a sauvé d’une existence de servitude éternelle et monastique.

Sur le chemin, nous passons donc entre le bois de Noctaria et les Contreforts Laminés en passant par le Nord-Est aux côtés de nos mules. C’est la première fois, pour moi, que je voyage sans la compagnie de Sir Abel. Jusqu’à présent, je n’ai jamais vraiment eu à m’inquiéter et il ne nous faut qu’une heure pour rencontrer le premier incident fâcheux.

C’est une personne qui tente de nous suivre secrètement sur le chemin et que Caracole découvre grâce à ses sens. Lui et sa naïveté s’adresse à cette personne avec toute la bienveillance du monde et ce dernier s’enfuit. Sans doute par réflexe (et l’idée que la fuite spontanée de cet individu traduise de très mauvaises intentions à notre égard m’effleure également l’esprit), Smeralda décoche immédiatement une flèche qui se plante dans le dos du malheureux fuyard. Cette femme est d’une violence inouïe et elle m’oblige à accourir au secours du pauvre malheureux. M’approchant pour appliquer les premiers soins, je me rends compte que cette personne est un enfant nain. Son état est critique et le reste du groupe découvre l’identité de la personne que nous venons d’attaquer. Pour moi comme pour Caracole, cet acte est d’une extrême barbarie. Quel danger représentait-il pour décocher une flèche dans son dos ? Le ton monte rapidement et j’approuve les arguments de Caracole tandis que nous décidons de rentrer pour emmener cet enfant voir un médecin. Evidemment, une nouvelle dispute éclate pour savoir quoi faire de cette dague. Pour ma part, j’explicite mon intention de laisser à cet enfant un moyen de défense. Tandis que Smeralda souhaite s’emparer de la dague. J’ai toujours su qu’Arthrus possédait une méfiance antipathique vis-à-vis de son prochain mais c’est la première fois qu’elle blesse l’image que j’avais de lui. Caracole essaie, évidemment de tempérer et propose que je garde la dague (je ne suis pas sereine à l’idée de garder cette arme sur moi mais nous devons bien trouver un terrain d’entente) et Arthrus refuse. Il souhaite garder la dague. Entendu à ce propos, finalement, nous repartons vers Gavecombe pour y déposer l’enfant.

C’est à ce moment qu’Arthrus m’a réellement déçu : Après quelques minutes où nous marchons près d’une rivière, notre compagnon magicien décide de jeter sournoisement la dague dans l’eau, sans même nous en avertir. Si cela provoque un nouveau conflit, il engendre chez moi un fort sentiment de tristesse que j’exprime difficilement et maladroitement. Un sentiment qui est vite remplacé par de la peur quand Smeralda n’attend pas son reste pour plonger à l’eau et tenter de récupérer le bien de l’enfant. Elle se fait malheureusement emporté par le courant sur quelques mètres et peine à rejoindre la rive. Le temps qu’elle nous rejoigne, Caracole et moi-même souhaitons imposer à Arthrus de rembourser ce qu’il vient de jeter à l’eau mais notre ami nain reste égal à lui-même : Il refuse tout en bloc et nous insulte copieusement.

Quelque chose vient de se fissurer dans notre vieille amitié. Nous nous découvrons réellement ainsi pour la première fois. Ce genre de différend était à prévoir.
Nous nous arrêtons à Castelvigor pour déposer l’enfant. Nous y retrouvons Andélys qui nous indique que le foulard que porte l’enfant indique qu’il s’agit d’un Maraudeur Preste. Et tandis que cette nouvelle inquiète Caracole et moi sur le sort réservé à l’enfant, il n’en faut pas plus à Arthrus pour pavaner fièrement. Cette suffisance m’est insupportable. Si j’admets qu’il doit bien avoir raison sur certains sujets, il m’est difficile d’admettre que cela justifie un comportement aussi cruel et irresponsable. Et encore une fois, je me mords la joue en pensant que nous pourrions nous satisfaire d’être récompensé pour avoir emmené un enfant sur l’échafaud. Heureusement, Andélys se fait rassurant et après nous avoir indiqué que cet enfant serait justement et dignement traité, nous repartons sur notre chemin.

Nous retrouvons rapidement les contreforts et cela fait un moment que j’ai entamé la lecture de mes ouvrages pour accompagner les longues heures de marches silencieuses. Derrière moi, je sens bien qu’Arthrus d’agite mais je l’ignore : Je n’ai guère envie de lui adresser la parole. Cependant, cela semble inquiéter mes compagnons qui insistent pour parler avec lui. Je replonge assez rapidement dans ma lecture, n’entendant plus vraiment les singeries de mes amis qui se sont arrêtés sans que je ne m’en rends compte.

Un instant d’inattention qui a bien failli nous coûter cher puisque je suis rapidement pris en proie par un Corbeau Sanguinaire. Si je suis heureuse de pouvoir rapidement compter sur mes compagnons, le combat qui s’engage n’est guère à notre avantage. J’ignore à quel point je suis Immortelle mais je ne souhaite pas l’expérimenter pour le savoir. Arthrus arrive rapidement et lance ses sorts. Caracole, lui, fait sortir du feu par ses yeux et je m’occupe de soigner les blessés. Cependant, je ne croise pas Smeralda dans la bataille et les choses s’enveniment rapidement. C’est grâce à l’intervention d’Arthrus que nous trouvons notre salut. De traits de glacés bien placés, il fait fuir la créature et nous laisse assez de répit pour reprendre notre souffle (pour peu que mes compagnons aient besoin de souffler). Smeralda nous rejoint et nous repartons de bon train nous trouver un lieu propice à notre campement. Surtout qu’une pluie battante commence à s’abattre sur nos têtes, comme pour nous rappeler que les choses peuvent toujours être pire.

La providence est cependant avec nous : Nous trouvons une grotte dans laquelle des aventuriers ont sûrement campé la veille. Les reste d’un feu nous y attend, sans doute vieux de quelques jours, et les traces de deux ou trois personnes mettent encore en évidence leur présence. Il m’est alors évident que cet endroit devrait être idéal si des contemporains ont jugé cette grotte apte à leur repos. Je suis soulagée et dépose mes affaires tandis que mes compagnons engagent une discussion concernant la tour qui n’est plus qu’à quelques kilomètres, à présent.
Ils parlent d’aller vérifier la tour, avant la tombée de la nuit. Faire de l’éclairage. Cette idée ne me plaît pas. Je ne doute pas que Caracole et Smeralda savent se défendre mais tout indique que se séparer maintenant serait une mauvaise idée. Surtout pour aller inspecter une tour des mages. Rien n’est plus imprévisible que la magie… Mais ma voix ne porte pas assez et ils y vont, me laissant seule avec Arthrus. Après les évènements de la journée, ces quelques heures en sa compagnie sont longues et embarrassantes. Nous discutons cordialement parfois. Nous nous ignorons poliment d’autre fois. Je sortirais mon grimoire assez vite pour échapper à la tension et nos compagnons reviennent. Sains et saufs. Les dieux soient loués.

Ils nous font un compte-rendu de ce qu’ils y ont vu. La tour serait haute de cinquante-huit mètres, la porte d’entrée en chêne gris ne possède aucune inscription et le bâtiment dégage une puissante aura de transmutation. Je crois le regard d’Arthrus mais j’ignore s’il est aussi intrigué que moi. Si le bâtiment est enchanté, c’est qu’un magicien puissant (ou très riche) y vit encore. Pour être si discret, c’est que ce magicien doit nourrir une grande misanthropie. Je ne suis pas sûre qu’il soit très accueillant et la moindre erreur pourrait être perçue pour une agression de notre part. Et nous ne sommes pas en mesure de nous confronter à un magicien d’envergure à placer un puissant sortilège sur un bâtiment aussi haut. Mes compagnons doivent avoir les mêmes craintes et nous devront être prudent, demain.

Smeralda se permet de nous parler également de leur retour où ils auraient croisé une créature dont ils n’ont guère vu la forme mais clairement entendus les sabots. Smeralda pense à un centaure mais je n’ai jamais eu vent d’une colonie de centaure dans la région... Je suis rassurée de les savoir aussi rusés et d’avoir si finement évité un combat qui aurait pu leur être mortel. Qu’ils soient de retour est tout ce qui compte et nous décidons de camper. Et tandis que Caracole accompagne la moitié de ma nuit, je constate que mes compagnons attendent de moi que je passe toutes mes nuits à l’affût du danger pour profiter d’un repos ininterrompu. Il pleut. J’entends parfois les animaux de la montagne. Je m’ennuie mais je ne peux pas détourner mon attention au risque de mettre mes compagnons en péril.

Quel genre d’Enfer pourrait bien proposer une telle torture ?
Je songe que mon tourment prendra bientôt fin lorsque le ciel commence à dégager une lumière grise et terne à travers les gros nuages pluvieux.

Je suis trop naïve.

27e jour du 4e mois de l’année 2128

Dès l’aube, alors que mes compagnons sont encore dans les bras de Morphée, je reçois deux flèches dans le ventre. Ce n’est pas la douleur qui me fait crier (je l’imagine plus que je ne la sens) mais la surprise, la peur et l’angoisse. Je recule au fond de la grotte tandis que mes compagnons se mettent en position de combat. Nos adversaires, cette fois, sont deux archers qui nous harcèlent de leurs flèches. Smeralda et Arthrus en mettent un en déroute et blessent grièvement le second. Evidemment, je me jette sur eux pour leur appliquer les premiers soins et constate que les deux hommes ont, autour du cou, le même foulard que l’enfant nain. Des Maraudeurs Prestes.

Si nous venons à bout de nos adversaires, ces derniers nous ont mis dans un état déplorable. Impossibles d’incanter, nos mules sont blessées et nous sommes nous-mêmes fatigués. Comme nous ignorons quel accueil nous sera fait à la tour et que nous ne pouvons ni laisser ces bandits libres, ni les transporter indéfiniment avec nous, nous décidons de retourner à Castelvigor, piteux, crottés et cernés de fatigue.

Evidemment, le sort s’acharne contre nous lorsque la pluie se transforme en neige. Le froid ne mord pas ma chair morte mais je crains pour mes compagnons. Le climat de montagne est imprévisible et nous aurons intérêt à mieux nous y préparer, demain. Nous marchons prudemment, nos mules sur nos côtés, espérant n’avoir qu’à craindre la neige qui rend toute visibilité impossible. Je me sens faible mais cette sensation n’est pas physique. Elle est émotionnelle. Jamais je n’aurais imaginé que ce périple serait si dangereux et si long. Heureusement, rien n’est vraiment perdu. Dorénavant, nous savons à quoi nous en tenir, entre les Maraudeurs, le climat et la faune sauvage. Je prends également note de me méfier des activités humaines en dehors des villes. Il me semble incroyable de devoir ainsi se méfier d’êtres intelligents et doués de sensibilité dans un lieu si hostile mais les mots de Smeralda et d’Arthrus, près de la rivière, tournent encore dans ma tête.

La marche se fait silencieusement jusqu’à ce que nous remarquions les yeux brillants de bêtes sauvages nous épier depuis la lisère du bois de Noctaria. Je suis à bout de nerf, comme tous les autres. Vingt-quatre heures ont suffi pour que je sois fatiguée de craindre pour ma non-vie. Je ne comprendrais jamais ceux qui la mettent ainsi en danger quotidiennement.
Je décide d’utiliser un sortilège pour parler à ces bêtes. Diplomatie plutôt que violence, par pitié. Et alors je me rends compte que ces animaux agissent sans doute avec plus de sagesse que ceux qui devraient penser comme nous. Les bêtes ont faim. Le froid doit rendre les proies rares et éparses. Ils acceptent de nous laisser passer sans encombre en échange de nos rations. Si Smeralda et Arthrus râlent pour quelques rations, je commence à les connaître. Je leur promets de le leur rembourser plus tard, lorsque nous seront arrivés au village. Vivants. Finalement, nous ne croisons plus aucune créature jusqu’à notre arrivé à Castevigor où Andélys est encore là pour nous accueillir.

Le revoir est un véritable baume au cœur. Il prend en charge nos deux brigands, nous indique que l’enfant a été pris en charge et soigne ma monture. Sans doute trop fatiguée pour réfléchir correctement, je lui demande de soigner la blessure des flèches qui astreint encore ma chair. Je mets ainsi à nu mon secret et mon cœur rate un battement. Heureusement, Andelys est un homme d’une infini bienveillance et sans doute est-il rassuré de constater que mon aura n’est pas mauvaise (que ce serait-il passé si les prêtres avaient été des nécromanciens ?) Il accepte de garder mon secret et nous permet de récupérer deux foulards de Maraudeurs. Enfin, nous retournons au village.

J’exige que ma journée se déroule sans encombre. Je reprends mon poste d’enseignante tandis que mes autres compagnons iront tirer profit de notre courte aventure. C’est au soir que nous nous réunissons pour en discuter, non sans s’alléger le cœur d’une bataille de boule de neige. Nous jouons un temps avec les enfants puis décidons de rentrer à l’auberge où mes amis mangent, se restaurent et où Caracole se prépare pour sa représentation. Le temps de partager le butin et d’écouter une dame chanter sur scène. La mélopée sinistre d’une veuve cherchant vainement son époux disparu. Sa voix est somptueuse et son émotion sincère. Si elle refuse d’être payée, je me permet de lui offrir secrètement un repas et Caracole lui dépose une partie du gain exceptionnel qu’il vient de gagner en une soirée. Nous ne pouvons guère l’aider car nous avons nous-même une quête importante mais j’espère qu’avec cet argent, elle pourra organiser une battue et proposer une récompense à qui ramènera son époux.

En attendant, nous sommes fatigués et mes compagnons partent se coucher. Quant à moi, je les quitte de nouveau pour retourner à Chastalbâtre où Abel se trouve encore alité.
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Les chroniques de Sou Empty Re: Les chroniques de Sou

Sam 17 Oct 2020 - 20:07
28e jour M4 2128
Nouvelle journée, nouveau départ. Nous sommes au petit matin avant notre seconde tentative pour approcher la Tour de Disque-Nuit. Notre dernière incursion dans les campagnes de Gavecombe m’a au moins appris quels dangers nous serons susceptibles de rencontrer. Je ne crains pas le froid mais avec l’imprévisibilité du climat, ne serait-ce pas une bonne idée de prévoir couvertures et manteaux ? Une idée que je fais parvenir plusieurs fois avec peut-être trop de diligence auprès de mes camarades. Ils songent surtout à s’équiper d’armes et de bonne volonté. Je tente également de rappeler que mon rôle dans les tours de garde, la nuit, est toujours aussi désagréable. Même si mon état me permet peut-être de rester éveillée toute la nuit, il est toujours délicat pour moi de devoir me concentrer neuf heure sans distraction aucune sur les dangers environnants. La discussion est brève mais je suis contente d’avoir pu exprimer mon sentiment et tandis que mes compagnons partent faire le plein de rations pour le voyage, je me dirige vers la ferme des parents d’Abel pour les tenir informé de l’avancée de notre quête.

La tragédie qui s’est abattue sur ces pauvres gens est injuste. Je sais que je ne peux pas faire grand-chose pour aider leur fils mais il est essentiel qu’il sache à quoi s’en tenir. Lorsque je les rencontre, dans le salon, je reste interdite face à l’inquiétude et à leur désespoir. Ils semblent attendre qu’à tout moment, je leur annonce que leur fils va bien. Que tout cela cesse, aussi brusquement que c’est arrivé. Un espoir que je partage avec eux. Mais je ne leur annonce que notre échec de la veille et notre nouvelle tentative pour aujourd’hui. Ils sont patients, bienveillants mais je redoute que toutes ces vertus ne finissent par s’assécher et que leur peine ne les pousse vers des retranchements regrettables. Je tente de les encourager à garder espoir, toujours un peu honteuse, toujours un peu mal à l’aise. Je n’ai jamais eu à interagir avec des gens dans une si grande angoisse. Gentiment, je refuse la tisane qu’ils me proposent (il serait inconvenable que je retire mon masque, désormais que leur fils et aux prises avec le sortilège d’un nécromancien) et je repars à l’auberge où mes amis doivent avoir terminé de faire leurs provisions.

A Valserein, une nouvelle épreuve de patience m’y attend, toujours si habilement mise en scène par les actions et décisions de notre ami Arthrus. Alcoolisé de bon matin, le mage de notre groupe a, semble-t-il, trouve cela astucieux de se saboter lui d’abord, notre groupe par corolaire, en s’abreuvant de bière comme s’il n’y avait pas de lendemain. Je ne suis pas prompte à juger des comportements de la race de chacun mais l’image qu’Arthrus donne de lui est bien celle que l’on attend de ceux de son espèce. Pour ma part, il est hors de question de partir avec Arthrus dans un tel état. Nous avons besoin de toute l’aide nécessaire et nous avons déjà expérimenté les dangers des Contreforts Laminés. Il faut qu’Arthrus décuve. Smeralda tient un discours semblable mais Arthrus refuse qu’on ne l’attende et s’insurge d’être infantilisé ! Quelle idée. Pourquoi le prendrait-on pour un enfant lorsqu’il agit avec tant de sagesse ? Caracole, toujours prompt à défendre ses valeurs de liberté que je juge irresponsables, admet que si Arthrus assure qu’il va bien et qu’il ne sera pas un poids pour notre groupe, alors nous devons le croire sur parole. Fadaises. Arthrus n’est pas en état d’avoir des paroles cohérentes, d’après moi. Et que ce serait dangereux pour tout le monde de se déplacer avec un poivrot dans nos bagages. Cependant, Caracole insiste, me fustigeant même de le materner. Tant pis ! Je ne peux pas imposer ma volonté pour tout le groupe. Ils savent certainement mieux que moi comment se passe l’aventure et quels en sont les risques.

Nous partons donc et Smeralda me prend à part durant lorsque nous sortons de Gavecombe. Elle semble inquiète et surtout, commence à m’expliquer pourquoi le sort d’Abel l’inquiète. Pourquoi cette quête l’intéresse tant. Elle m’apprend ainsi sa relation avec Abel. Son passé guerrier et sa conception tristement dissimulée par une mère seule et sans soutient. Elle me raconte comment le père d’Abel s’est entiché d’une prostituée et que cette dernière lui a donné naissance, faisant de Smeralda et d’Abel des demi-frères. Cette révélation tombe de nulle part comme un cheveu sur la soupe et je ne sais pas comment réagir. Les autres sont-ils au courant ? Pourquoi choisir ce moment précis pour en parler ? Et quel genre de blague sinistre le destin a-t-il fait à ces deux enfants pour que leur chemin se soient autant éloignés l’un de l’autre ? Je reste sans voix, je pose des question en balbutiant et ne sachant pas quelle doit être la réaction appropriée. Je ne peux pas lui conseiller d’en parler aux autres : Ceci fait partie d’un bout de son histoire peut-être encore trop tabou et elle est la seule réellement concernée. Je me sens seulement flattée et je suis heureuse qu’elle me fasse autant confiance. Je me convaincs que si elle m’en parle, c’est qu’elle avait certainement besoin de s’alléger du poids d’un secret qui devait la tirailler depuis maintenant des mois. La discussion continue et Smeralda me parle également de Caracole et de qui il est pour elle. Un sujet que j’ai encore plus de mal à admettre. Caracole ne me semble pas être un guerrier aussi véhément que mon interlocutrice et pourtant, cet être rayonnant et coloré a été une figure paternelle de l’impie Smeralda. Bien qu’une part de son passé doit être terni de sombres mystères et d’horreurs que je ne souhaiterai pas connaître, je sais désormais pourquoi il m’est toujours apparu que Smeralda était quelqu’un qui pouvait devenir une très bonne personne. Elle ne s’en rend pas encore compte mais elle est attirée par la lumière, bien malgré elle. Je lui souhaite d’un jour le découvrir.

Tandis que nous continuons de discuter, nous arrivons aux abords des Contreforts, Noctaria bordant l’un de nos flancs. Une zone somme toute dangereuse. Un excellent moment, donc, pour Arthrus qui commence à sentir l’effet de la décuve et de la fatigue. Un excellent moment, donc, pour partir faire de l’éclairage aux abords des fermes abandonnés qui bordent la périphérie de Gavecombe.

Je ne comprends pas l’intérêt que mes compagnons ont brusquement pour ces fermes mais ils exhortent qu’il leur faudra un point de retraite ou un lieu de repos, lors du retour. Ils semblent tous vouloir y perdre leur temps alors qu’il n’y a strictement aucune raison d’y jeter un œil. Seul Arthrus, qui s’est rhabillé de son habituelle désinvolture, a l’air de s’impatienter et de vouloir en finir le plus vite possible avec cette quête. Bon. Je décide de les laisser y aller sans m’y opposer davantage. Cependant, ma position m’est très inconfortable : Si je reste à l’extérieur, je pourrais me faire attaquer (et je ne suis guère une bonne combattante) et si je les suis, je m’expose aux dangers que je souhaitai éviter. Evidemment, je sais que leur intérêt va plus à la chasse à l’homme qu’à une véritable prudence tactique.

Je fais mon choix rapidement et je reste en retrait. Tout devrait bien aller puisque l’animal fabuleux d’Arthrus indique que la ferme que nous visons semble belle et bien abandonnée. Caracole et Smeralda en tête vont inspecter les lieux tandis qu’Arthrus reste dehors avec moi et nos deux ânes.

Après la fouille, nos deux braves compagnons repèrent que la porte a été calfeutrée plusieurs fois de l’intérieur ainsi qu’une trappe que Caracole prend immédiatement, après quelques négociations avec le reste du groupe. Je trouve toujours cette idée stupide mais je préfère le garder pour moi. D’autant plus qu’il ne faut quelques secondes pour entendre Caracole crier dans un râle mêlant surprise et douleur. Nous l’entendons tomber et rapidement, nous descendons pour prêter main forte : Un homme encapuchonné se cloîtrait en bas et engage le combat.

Nous avons beau tenter de le raisonner, lui faire comprendre que ce combat ne saurait bien se terminer pour un jeune magicien contre trois aventuriers. Je crains également que mes compagnons ne s’emportent dans la fougue du combat et ne tabassent ce Maraudeur Preste (à n’en point douter), oubliant que nous avons l’avantage certain du nombre sur lui. J’aimerai pouvoir dire que nous avons également l’avantage de la compétence mais ce magicien est plutôt doué en dépit de toutes nos tentatives pour le maitriser sans trop de violence.

Là, je dois à notre cher lecteur un petit aparté. Il m’a semblé que je me plaignais grandement de la fougue de mes compagnons et j’ai plusieurs fois songé que n’avais sans doute pas ma place dans un tel groupe. Ma seule compétence est mon savoir. Mes seules facultés sont celles de trier des livres et de soigner l’aventurier qui venait quérir de l’aide à la Tour de Maître Gallen. Il aurait été facile pour mes compagnons de me réduire au silence, se complaisant seulement dans mes facultés de jeune médecin et de mes capacités de non-vivant. Cependant, malgré les ennuis que j’ai eu à leur apporter, malgré mes caprices et mes valeurs qui ont peut-être pu envahir celles qu’ils ont toujours suivi jusqu’à présent, je tiens à remercier, secrètement, toute la bienveillance avec laquelle ils m’ont traité. Parfois ont-ils été peut-être un peu cinglant, parfois m’ont-ils fait comprendre que je devais apprendre la dure réalité du terrain. Mais ils ont aussi beaucoup essayé de me comprendre et d’appliquer certaines de mes demandes, quand bien même ils les ont trouvés farfelu ou encombrantes. Je n’oserai sans doute jamais le leur dire de vive voix de peur qu’ils ne prennent cela pour une invitation à la violence et à l’excès de zèle mais qu’importe à quel point leur comportement m’est parfois insupportable ou douloureux, je tiens à les remercier ici pour leur acceptation dont ils ont fait preuve à mon égard.

Après avoir grandement affaibli puis endormi notre adversaire, nous pouvons le ligoter. Encore une fois, nous devrons nécessairement retourner à Gavecombe pour livrer ce Maraudeur aux autorités. Pour ma part, je décide de lui apporter les traditionnels premiers soins tandis que mes compagnons se ruent sur le butin des Maraudeurs. Tandis qu’ils s’empressent d’expertiser la valeur de ce trésor fait de fabuleux tableaux, de candélabres finement ornés, de mobiliers richement ouvragés, je m’empresse de leur rappeler que tout cela appartient aux innocentes victimes des Maraudeurs et qu’il est hors de question de vendre la richesse d’autrui, larcenée à leur dépend. Ce serait du vol, agrémenté de recèle. Nous devrons trouver les propriétaires, certainement avec l’aide des chevaliers de Castelvigor.

Evidemment, chacun y met du sien pour m’expliquer qu’effectivement, personne n’avait dans l’intention de s’emparer de toute cette richesse et nient l’excitation qui brillent dans leurs yeux tandis qu’ils remontent tout le butin avec une rare efficacité. Non sans rappeler que s’ils sont autorisés à exploiter ce butin, il n’y aurait aucune raison de ne pas le faire. Même Caracole insiste pour terminer sa besogne lorsque je demande de l’aide pour remonter le bandit hors de la ferme. Surtout que je crains la visite d’autres Maraudeurs dans les alentours. Nous avons vaincu celui-ci car il était surpris et certainement mal préparé.

Finalement, dans tout ce fatras, Arthrus trouve également son compte en récupérant le grimoire de notre assaillant. Je sais que je devrais m’en réjouir mais j’ai l’intime sensation que nous agissons pareillement qu’une bande de mercenaires dont l’appât du gain et la soif de violence seraient des leitmotivs évidents. Prendre un objet appartenant à une tierce personne, sans son consentement préalablement, préalablement tabassée, n’est-ce pas du vol ? Je veux dire… Je sais bien que nous avons affaire à de dangereux bandits et qu’ils n’auraient guère de remord à nous mettre à mort mais cela est-il une justification suffisante pour nous comportement de la sorte ? Je m’abstiens de toute remarque : Mes compagnons ont encore du mal à comprendre que tuer sommairement quelqu’un sous un prétexte personnel, aussi justifié soit-il aux yeux de l’agresseur ou de l’agressé, est mal. Je me vois mal tenter de leur expliquer qu’ils devraient se débarrasser un objet de grande valeur grâce auquel Arthrus pourrait apprendre de nouveaux sorts sous un prétexte aussi obscur pour eux que la bonne morale. Et si je prends aussi facilement sur moi c’est que je sais que le perfectionnement d’Arthrus profitera à tout le groupe. Et par conséquent, à toutes les personnes innocentes que nous aiderons sur notre chemin.

Faire un moindre mal pour un bien commun n’est pas faire le Bien. Je sais. Je négocie un peu avec mes principes mais j’apprends que vivre dans cette communauté va m’obliger à faire preuve de tolérance si je veux que mes compagnons le soient également.

En haut, au-dehors de la ferme, j’entends que mes compagnons rencontrent quelqu’un et discutent avec. Il faut quelques temps pour que Caracole accepte enfin de descendre pour m’aider et que je puis moi-même me présenter. La gnome que nous croisons s’appelle Gaer Neb Vanhed Fear Uran. Je reconnais quelques titres… « Défenseur des enfants, saphyr, bleu, mystique, … » J’apprends qu’elle est une gnome du chaos, d’après ses cheveux qui changent de couleur au fil de ses émotions. Et je devine que les gnomes du chaos doivent étoffer leur nom au fil de leur longue vie (trois cent ans d’après mes pauvres connaissances), agrémenté des exploits qu’ils ont pu accomplir. Maitre Gaeb est magicienne de bataille. Encore un lanceur de sort qui trouve son intérêt dans la violence. Je me méfie bien que son titre de « Défenseur d’Enfant » laisse présager un cœur plein de noblesse. Maitre Gaer se dirigeait vers Gavecombe alors nous décidons de faire un bout de chemin avec elle, lui résumant de manière erratique les aventures que nous avons vécu et les raisons qui nous pousseraient à rencontrer le Maître de la Tour de Disque-Nuit. En tant que magicienne, Gaer décide de se joindre à nous. Son ton enjoué, son affabilité et sa gentillesse sont un véritable repos pour moi.

Cependant, il est nécessaire de discuter avec Arthrus sur nos dernières disputes. Je tenais à lui présenter mes excuses concernant le jeune nain d’il y a deux ou trois jours. Après avoir connu quelques embuches et de féroces adversaires, ses paroles me sont revenues plusieurs fois à l’esprit et je sais qu’il est aussi difficile pour lui que pour moi de faire des concessions. De ce que je connais d’Arthrus, c’est un garçon sensible qui se protège d’un monde agressif, violent et rempli d’oppression. Il ne se rend pas compte que notre passé contient beaucoup de similarités. Alors, nous en discutons, paisiblement et il me demande de faire preuve de tolérance à l’égard des comportement dangereux et égoïstes qu’il peut avoir, m’assurant que rien n’est dirigé contre moi ou contre le groupe. Je ne sais pas comment le prendre. J’aurai aimé lui dire que son comportement me blesse parfois et que je me trouve déjà très complaisante mais je crois qu’il le sait déjà. Peut-être essaie-t-il de me prévenir de quelque chose que j’ignore de sa personnalité ? L’auto-destruction semble être un trait particulièrement marqué chez lui.

Quoi qu’il en soit, notre route continue et se voit agrémenté d’une jig entrainante au violon. La plupart de mes compagnons se mettent à danser brusquement comme emporté par un sortilège. Il nous faut quelques minutes pour comprendre que ce ne sont que des grig, des fées-sauterelles qui nous jouent un très joli tour. Un instant où nous pouvons rire de cette plaisanterie en s’agitant comme des petits diables ne nous feraient pas de mal. Sauf si des loups en profitent pour nous attaquer.

C’est Arthrus qui les repère au loin et nous prévient. Ils sont trois et ont l’air encore jeune. Surpris par l’attaque, nous tentons de nous défendre tandis que les grig nous viennent également en aide. Caracole, imitant avec maestria le cri d’un corbeau sanguinaire fait fuir deux loupiots tandis que l’une des grig se fait grièvement blesser. Malheureusement, je ne le saurai que trop tard.

Moi ? Je suis occupé à courir derrière les trois ânes qui se sont enfuis dans la panique de l’attaque, emportant avec eux tous nos effets ainsi que le butin de tableaux des Maraudeurs. Je réussi à en arrêter un mais les deux autres continuent de s’enfoncer dans les bois de Noctaria. Je prie tous les dieux pour que cette histoire se termine bien. En réponse à ma prière, je croise un chélicera. Une créature arachnéenne et à la taille démesurée. Elle s’attaque immédiatement à mon âne et ce que je sais de cette créature me convainc de ne pas intervenir. La scène est horrifique. Je suis terrifiée et à cet instant, toute la honte que je peux ressentir vis-à-vis de ma lâcheté est simplement balayée par mon instinct de survie. J’ai déjà lu des choses à propos de ces créatures hématophages et dont le mode de prédation se base sur l’imitation des sons. Il est trop tard pour mon âne, je suis seule. Tant qu’il est concentré sur mon âne, je peux au moins sauver celui de Caracole et de Smeralda. Voilà la pensée la plus raisonnable qui me parvient. Alors, j’en retourne vers mes compagnon, d’abord discrètement. Mais la créature imite, soudainement, le son qui produisent les pas dans les feuilles mortes. Inutile de vouloir faire dans la discrétion. Cette créature a une conscience reptilienne et prédatrice et je crains pour ma vie si je me mettais à courir et à me comporter en proie. Je m’éloigne alors d’un pas rapide mais chancelant, sans prendre mes jambes à mon cou. Un exercice de sang-froid auquel je me prête avec la peur dans le ventre et une sensation vertigineuse d’effroi. Les images de mon animal me reviennent en tête. De son œil terrifié. De ses cris. Du sang.

Je ne me rend pas compte que je sors de la forêt mais je sais que je me dirige vers la ville. Au-delà de quelques mètres, j’aperçois mes compagnons et me vient alors la pensée que cette créature est beaucoup trop puissantes, pour nous. Que se passera-t-il si je dirige le chélicera vers eux, si ce n’est un bain de sang inutile ? Derrière moi, la créature me poursuit, vraisemblablement attirée par le repas que peuvent faire les deux ânes que je tire avec moi. Alors, dans une panique affolée et irréfléchie, je me dirige vers la ville, espérant sans doute que la bête n’abandonne son œuvre ou que des autorités plus efficaces ne chassent le chélicera.

Néanmoins, mes compagnons m’indiquent avec véhémence de me diriger vers eux. Qu’ils ont un plan. Acte de foi oblige, j’obéis tandis qu’Arthrus se dirige vers la ville sans nous attendre. Cela fait-il parti du plan ? Sans doute pas. « Sois tolérante, Sou’. »

Smeralda provoque l’illusion d’une vache qui se dirigerait vers la forêt. Une distraction assez appétissante pour que le chélicera abandonne la course-poursuite et retourne de là où il est venu. Cette scène est fini. J’en ai encore pour quelques heures avant de digérer ce qu’il s’est passé. Mon esprit s’embrouille de pensées obscures et de craintes infondées. Pour quelques secondes, je commence à douter. A me demander s’il vaut vraiment la peine de s’en retourner à la Tour. En quelques jours, j’ai failli me faire dévorer par un corbeau géant, j’ai reçu une flèche dans le ventre, j’ai dû négocier ma chaire contre des rations de nourriture avec des bêtes affamées, j’ai combattu un mage-roublard, mon âne a été dévoré par un insecte géant et j’ai été poursuivi par ce même insecte. Si tout cela semble être le quotidien que mes compagnons ont embrassé, je me sens faible et terrifiée face à l’immensité des menaces qui planent sur nous.

Finalement, nous récupérons nos affaires et nous tentons de retourner en ville en contournant les dangers que nous pourrions rencontrer sur le chemin, s’inquiétant du fait qu’Arthrus ait avancé sans nous attendre. D’autres dangers peuvent le guetter et il serait bien vulnérable, tout seul.

Arrivé au pont de la mine, le Pont de Blême-Aven, nous constatons des tâches de sang. Evidemment, nous songeons à notre ami nain qui aurait pu se faire attaquer. Nous n’avons pas plus d’informations et l’optimisme de Caracole nous réconforte : Pour le moment, il serait sage de continuer. Nous verrons, en ville.

A Castelvigor, les choses semblent inquiétantes. Alors que nous apercevons de nombreuses torches en ville depuis le château, nous constatons qu’il n’y a aucun garde à l’entrée. Je suis encore sonnée mais mon esprit est assez apaisée pour comprendre que quelque chose est arrivé durant notre absence. Je voudrais bien prier les dieux pour Arthrus mais pour son bien, je m’abstien. Enfin, se faisant remarquer à grands cris et appels, c’est un homme d’un certain âge qui nous accueil depuis les hauteurs de Castelvigor. Poliment, nous nous présentons (j’ai toujours beaucoup d’admiration pour le panache de Caracole, lorsqu’il agite sans grand chapeau dans tous les sens) et lui indiquons que nous avons un Maraudeur à déposer dans les cellules. Encore. Pas bien aimable mais néanmoins raisonnable, le vieil homme nous reçoit, nous expliquant qu’il n’y a plus grand monde dans le château et nous fait passer par l’arrière. Nous l’aidons à barrer la porte une fois que nous avons franchi le seuil du château et le vieil homme nous conduit vers les geôles pendant que nous tentons un échange avec lui. Il se présente comme Labrastayr et il ne m’en faut pas plus pour comprendre que je me suis fourvoyé sur le comportement à tenir. L’Edile de la Coterie nous reçoit en personne et j’y exprime tout mon respect, indiquant à mes compagnons qui est cet homme affaibli par le temps. Evidemment, je ne m’attend guère à de grandes effusions de déférence de la part de Caracole et de Smeralda cependant, ils savent adapter leurs propos.

Nous posons plusieurs questions, concernant d’abord les évènements actuelles au village. Labrastayr nous indique qu’ils auraient retrouvés un cadavre dans la roue du moulin. Caracole, soucieux, pose quelques questions sur le cadavres et nous découvrons que ce n’est pas un nain. Nous sommes à demi-soulagés : Il y a de grandes chances pour que le sang retrouvés sur le pont soit celui du cadavre qui aurait suivit le cour de la rivière jusqu’au village. Cependant, rien n’est encore sûr. Mon esprit est encore beaucoup trop embrumé pour me rendre compte de la situation. Cependant, nous décidons d’aller tout de même discuter avec le nain de l’avant-veille. Le jeune adolescent faisant parti des Maraudeurs Prestes et que nous avons prestement attaqué au détour d’une route sans connaître ni son identité, ni son appartenance aux Maraudeurs.
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Les chroniques de Sou Empty Re: Les chroniques de Sou

Sam 17 Oct 2020 - 20:08
Toutefois, je trouve cela inquiétant et je tente de discuter avec l’enfant. Un peu à bout de nerf et sans doute pas très diplomate, j’insiste pour lui enfoncer des portes ouvertes face à un adolescent mutique. Je ne lésine pas sur les mots et c’est heureusement Caracole qui me rappelle à l’ordre, me reprochant d’être condescende envers le garçon. Sur le moment, je ne le rejoint pas là-dessus : Caracole a une tendance assez franche à considérer tout propos lui déplaisant comme condescendant tout en se montrant paternaliste et humiliant dans sa façon d’interagir avec ses semblables . Ce n’est pas la première fois qu’il me trouve infantilisante lorsque j’exprime seulement ma colère et ma déception. Toutefois, après ce qu’il nous est arrivé, je juge qu’il doit sans doute avoir raison, surtout que je n’obtient pour réponse qu’un silence entêté. Evidemment, Caracole n’obtient pas plus de résultat pour en apprendre d’avantage sur le garçon et c’est au tour d’utiliser la méthode de Smeralda.

Des méthodes toujours douteuses sur le plan éthique et ne respectant jamais vraiment la dignité d’autrui mais qui ont le mérite d’être efficace. Ainsi, elle manipule magiquement le garçon pour qu’il nous fasse confiance et nous pouvons ainsi lui poser de nombreuses questions personnelles. Je suis très mal à l’aise et lorsque le sortilège prendra fin, nul doute que ce jeune nain nous en gardera une rancune tenace. Si nous réussissons à améliorer sa situation, j’espère que lorsqu’il sera adulte il y repensera avec indulgence, se rappelant à quel point nous avions été maladroits.

Quoiqu’il en soit, nous apprenons que le garçon doit s’occuper de sa jeune fratrie. Que ce sont des gens très pauvres et que ses parents de réussissent pas à gagner assez d’argent pour subvenir à leur besoin. Dans ces conditions, l’enrôlement par les Maraudeurs Prestes a dû être d’une facilité déconcertante. Le garçon nous indique également que sa mère habite vers le cimetière, au Nord-Ouest de Gavecombe. Son nom est Daruska Roc-Vigile et nous promettons notre aide à cet enfant. Tout particulièrement Smeralda qui semble s’attacher à ce garçon et déclare qu’elle fera le nécessaire pour l’aider afin qu’il puisse retourner sur des chemins plus licites.

Nous en finissons avec les questions, nous saluons l’Edile et je me dirige vers le moulin, accompagnée par Smeralda. Nous savons que le cadavre n’est pas un nain mais il serait préférable de s’en assurer. Peut-être pourrions-nous proposer notre aide si besoin il y a. Pendant ce temps, Caracole pense que si Arthrus va bien, alors il doit sûrement se trouver à l’auberge, certainement plein de hâte pour achever ce qu’il a commencé ce matin. Il part vérifier son hypothèse en compagnie de Maître Gaer.
Une fois au moulin, nous constatons que se trouve sur place le conseiller Alastor Vif-Tonnerre, siégeant à l’Areopage. Nous entamons une brève discussions avec lui où il nous indique que le cadavre est celui d’un marchand, certainement étranger puisque personne ne l’identifie. Il viendrait d’un village en amont et aurait été assassiné sur le pont. Comme nous le pensions, son corps à dû chavirer le long de la rivière. Le Sir Vif-Tonnerre nous indique également que le marchand a été dépouillé de ses biens et même s’il n’ose pas le verbaliser, il nous fait comprendre que les soupçons se posent sur les Maraudeurs Prestes. Ces derniers ne seraient pas d’une nature meurtrière bien que cela est arrivé lorsque leurs victimes tentaient de résister à leurs assauts. J’ai un léger doute à ce propos : Nos rencontres avec les Maraudeurs nous ont clairement indiqués que leurs attaques étaient vives, rapides et meurtrières. Ils attaquent de loin, de manière organisée et si nous n’avions pas résisté, nous serions certainement morts. Or, Sir Vif-Tonnerre nous fait comprendre qu’au contraire, les victimes meurent parce qu’elles résistent. Il est possible que mon jugement soit faussé et que je me trompe alors je préfère garder cette réflexion pour moi. Nous devons d’abord rejoindre Caracole et Maitre Gaer à Valserein.

Une fois sur place, Smeralda et moi découvrons Arthrus qui se moque de nous et qui s’arrose allègrement d’alcool. Visiblement en bataille lyrique avec Caracole qui s’occupe de rependre la rumeur du Nain Pleutre dans tout Gavecombe, Arthrus s’en défend, nous traitant de naïfs et d’idiots.

Cette vision me répugne. « Sois tolérante, Sou’. » Une voix dans ma tête me supplie de le punir, de le frapper, de faire scandale. De lui enfoncer son hérisson dans la gorge et de le noyer dans sa chope. De lui faire une leçon de morale que Caracole trouvera inexorablement condescendante parce que « Il est libre de faire ce qu’il veut » tandis que le groupe pense pouvoir compter sur lui. Tandis que je pense pouvoir compter sur lui. Sur son amitié. Je suis si déçue et j’ai envie de pleurer mais aucune larme ne remontent comme si j’étais incapable de libérer les émotions qui bouillent en moi. J’ai l’impression d’être une enfant déstabilisée alors que mes pensées se tournent vers ma Tour, ma chambre, mes rayonnages de livres. Vers Maître Gallen qui aurait eut les mots pour me consoler et me rassurer. Mais je n’ai face à moi que la face grimaçante et répugnante d’Arthrus, se moquant de nos souffrances et brandissant fièrement sa lâcheté.

Je suis fatiguée. Une phrase de Maître Gallen me revient en tête et me réconforte. « Ce problème-là n’est pas important. » me répète-je comme un mantra. Comme il y a un incident sur le compte des chambres, puisque Maître Gaer nous a rejoint, et qu’Arthrus risque de finir trop ivre pour dormir sur un lit si personne ne s’en occupe, je décide de payer sa chambre, un peu égoïstement. J’ai suffisamment profité de mes facultés d’immortelle pour échapper aux dépenses de groupe. Bien agir m’apaise mais j’ai surtout besoin de calme. Abel a encore besoin de moi, à Chastalbâtre.

29e jour du 4e mois 2128

Le lendemain, au petit matin, je retourne à l’auberge. Mes troubles n’ont pas tous disparus mais j’ai eu le temps d’y réfléchir. Ces gens que j’accompagnent sont les seuls capables de m’aider à libérer Abel. Smeralda étant sa sœur, il est évident que je ne peux pas me défaire de son aide. Quant à Caracole, ses talents et son charisme sont des armes sur lesquelles je peux compter. Néanmoins, il est dorénavant évident qu’il faut que je protège mon cœur et que j’évite de m’attacher à ces gens-là. Je songe qu’une fois Abel sauvé, je retournerai auprès de mon Maître, là où est la véritable place. Le cas d’Arthrus me bouscule vraiment. Il est mon ami mais je ne peux pas le laisser me blesser ainsi indéfiniment. Il faut que j’apprenne à distancer mon implication dans les affaires qui le concernent. Caracole sera un excellent professeur, pour cela.

A Valserein, je rejoins une discussion entre Maître Gaer et Caracole qui s’interroge sur son passé. Nous la questionnons et nous parlons de nous. Ainsi, nous apprenons que Maître Gaer est chasseuse de prime. Une voie bien étrange alors que sa mère enseigne paisiblement la magie. Elle nous raconte comment ses parents, qui voyagent beaucoup car la culture des gnomes du chaos le veut, ont fini par accepter le choix de vie qu’elle désirait. Un choix de vie que je ne comprends pas, évidemment. Qu’importe, je ne suis plus à un mercenaire près et Maître Gaer m'est très sympathique. En cette occasion où nous échangeons, je parle de mon passé à la Tour et comment Sir Abel m’a sauvé d’un groupe de prêtres séquestreurs. Une occasion pour moi de rappeler à quelle point notre quête pour la Tour de Disque-Nuit m’est importante. Quant à Caracole, j’apprend enfin ses origines. Aussi erratiques que sa façon de pensée. Adopté avec sa sœur par un nain et un gnome, il a été élevé comme s’il était leur fils. Puis, lorsque son père est mort, il a décidé de partir sur les route, voilà vingt ans de cela.

Ce début de matinée est calme et reposant. Lorsque chacun finis de se sustenter, nous nous renseignons sur divers sujets fort intéressants. Nous apprenons alors qu’un mage serait parti de la Tour puis revenu à Gavecombe, assurant que rien ne se trouve à la Tour. Déçu, ce mage halfelin serait reparti vers l’Ouest. Il me semble étrange que les rumeurs et les témoignages se confirment tout en s’infirmant. S’il n’y a rien à la Tour, pourquoi raconte-t-on que le Mage qui n’est pas à la Tour prendrait des apprentis ? Le mystère qui voile cet endroit me perturbe et me fait craindre un voyage inutile. Si ces trois derniers jours nous mènent vers un bâtiment abandonné, je serai bien embêtée, pour rester courtoise.

Les conversations vont ainsi bon train et Caracole nous indique que Jarlänne accepterait éventuellement de prendre le jeune nain Alcar comme apprenti au poste de palefrenier. Une bonne nouvelle puisque le salaire y serait décent.

Puis après moult conversations et un peu de temps perdu, mes compagnons s’enthousiasment à l'idée de prendre une charrette afin de pouvoir palier à la mort de mon âne. Ca ne me réconforte absolument pas mais je ne fais aucune remarque et participe à la hauteur de mes moyens à l’achat de la charrette. Ca reste une bonne idée bien qu’elle ne me convienne pas : Trois âne ne peuvent pas être perdu en même temps, sauf grand concours de fâcheuses circonstances. Une charrette, en revanche, nous oblige à mettre tout en commun. Avec une charrette, c’est tout ou rien. Une radicalité qui ne me plaît pas.

Enfin, une fois achetée, je dois bien admettre que mes craintes retombent très vite lorsque je me confronte à la praticité de ce véhicule. Nous verrons bien si nous resterons chanceux très longtemps !

Nous allons donc à Castelvigor où nous devions récupérer une récompense pour le bandit-magicien. Arrivé sur place, c’est un demi-elfe qui nous reçoit. Son nom est Landfaer et il nous indique que pour récupérer notre récompense, il faudra avant tout que les Héliastes en fixent le prix (parlons-nous d’êtres humains ?) et pour cela, ils doivent déterminer l’identité du magicien-roublard. Il n’y a rien d’autre à dire et nous repartons donc. Maintenant que la matinée est bien avancée, il nous semble évident que nous ne pourrons pas prendre la route vers Disque-Nuit en une journée. Après quelques échanges, nous admettons que nous pourrons toujours faire halte aux pieds de la Tour et reprendre le chemin le lendemain. En attendant, pour respecter le timing de ces plans, il nous faudrait partir au zénith, d’ici quelques heures. Un temps raisonnable pour aller visiter la mère d’Alcar.

Nous visitons pour la première fois ces quartiers. La campagne y est très présente, rongeant les murs du village. Des champs s’y étendent sans pudeur et quelques fleurs éclosent en ce début de saison printanière. Pourtant, rien n’adoucit la vu de ces habitations vétustes et très humbles. L’air-même est chargé d’un sentiment de misère, apporté par une populations minière majoritaire. Il est aisé de reconnaître les travailleurs de la mine avec leur face noircie de suie et leurs habits usés. Notre groupe rayonne quelque chose d’insolent au milieu de cette pauvreté. Je ne m’y sens pas à mon aise : Ces quartiers ont le mérite de me rappeler qu’aussi mal avais-je vécu ces derniers jours, je suis quelqu’un de très chanceuse. Mon esprit aimerait se révolter et aider tout le monde dans une espèce de fantasme idéaliste. Mais je me garde de toute arrogance. Les élites de Gavecombe font certainement de leur mieux pour prendre en charge ces gens-là et je serai bien orgueilleuse de penser que je puisse régler les choses simplement parce que je le voudrai.

Déjà aider Alcar et sa famille sera une bonne chose. Nous recherchons donc Daruska Roc-Vigile assez rapidement quand Caracole demande son chemin à un mineur du coin. Nous faisons fi des regards étranges et allons frapper à sa porte. Tout du moins, ce qu’il en reste. A moitié sorti de ses gonds, rongée par les termites, l’hiver doit être bien rude pour ces gens. Enfin, une femme, naine, nous ouvre la porte. Dans ses bras, un bébé de trois ou quatre ans et derrière ses jupes, un autre d’environs onze ans. Elle semble s’inquiéter de nous voir et tout en elle respire une frêle humilité. Lorsque nous lui annonçons notre venu, son inquiétude transpire de son regard et elle nous explique que depuis la mort de son père, Alcar a besoin d’une figure de substitution. Ce garçon, très mature pour son âge, a sans doute compris l’urgence financière de leur situation et s’est fait enrôler dans l’espoir d’améliorer la situation de sa famille. Alcar doit être un garçon d’un grand cœur et leur situation me touche profondement. Néanmoins, lorsqu’elle nous invite à rentrer, il nous semble évident que certains d’entre nous doivent rester garder la charrette, dehors. Smeralda est trop impliquée pour rester en-dehors de cette conversation et la verve et la bienveillance de Caracole leur sera indispensable. Nous hésitons entre moi et Arthrus puisque Maître Gaer n’est pas tellement concernée par cette affaire. Je me dévoue donc pour rester auprès de la magicienne gnome et lui tenir compagnie. Une parfaite occasion pour discuter et apprendre à nous connaître mutuellement. Cette excellente occasion nous permet même de faire un petit jeu dans la charrette. Gaer m’apparaît de plus en plus comme une personne pleine de sensibilité et d’enthousiasme. Si l’étrange faculté qu’elle a de modifier la couleur de ses cheveux m’a troublé, c’est maintenant une singularité qui me paraît familière. Ce livre ouvert à ses émotions me permet de faire entièrement confiance à ce qu’elle dit et je crains bien moins le mensonge chez elle qu’auprès de mes autres camarades. Aussi, je me permet de lui parler de mon passé et des turpitudes qui m’ont menées vers la voie de l’immortalité. Elle-même me parle de sa mère et de son métier, de ses difficultés et de sa passion pour l’aventure et l’action. Surtout l’action. Une voie qui a été compliquée pour elle vis-à-vis de sa famille. Cet instant de complicité est un trésor que je chéri pour le temps qu’il durera. Puis, au bout d’un certain temps, c’est Arthrus qui sort de chez Madame Roc-Vigile, rouge de colère, s’insurgeant que cette dame est une mère déplorable et qu’en réalité, Alcar est un enfant livré à lui-même. Face à cette mère démissionnaire, il serait inutile de s’occuper de cet enfant qui, de toute façon, a déjà choisi sa voie. Si je comprend le sentiment d’Arthrus concernant cette mère, mon sentiment est partagé. Je constate la pauvreté dans laquelle ils vivent et je ne peux pas reprocher à une mère débordée d’être dans l’impossibilité de s’occuper correctement de trois enfants. La survie prime avant l’éducation. Une pensée que je préfère ne pas exprimer puisqu’Arthrus est une tête de mule que rien ne peut faire entendre raison. Il est temps d’appliquer mes résolutions concernant ce garçon. Aussi, je me contente simplement de jouer sur son passé pour le convaincre de s’investir dans cette quête, espérant qu’il voit une possibilité pour ce garçon de pouvoir être aidé comme Arthrus a pu avoir l’aide d’un maître mage lorsqu’il était seul et méprisé par ses semblables. Cependant, aux yeux de notre ami, il s’est fait tout seul et il considère qu’Alcar ne mérite pas notre aide. Tous ces efforts serait, à ses yeux, de l’excès de zèle. Et pour cela, je ne peux pas lui donner tort : Nous aidons ce garçon uniquement parce que les dieux l’ont mis sur notre chemin. Mais combien d’autres enfants, dans ces quartiers, mériteraient d’être soutenus et aidés ? Combien d’autres Maraudeurs Prestes ont été enrôlés dès leur plus jeune âge alors qu’ils auraient mérité d’être pris en charge par quelqu’un avec la bienveillance et les moyens de le faire ? Je comprend qu’Arthrus trouve cette quête futile et injuste pour tous ceux qui n’ont pas eut la chance d’Alcar. Si Smeralda s’identifie à ce jeune nain, Arthrus s’identifie à tous les autres. Tenter d’apaiser Arthrus serait vain bien que je m’y essaye un peu par arrogance.

Bon. Toute cette encre gâchée me fait un peu mal au cœur. Quelques minutes plus tard, Caracole et Smeralda sortent de la maison avec une toute autre impression qu’Arthrus. Après une énième dispute, Caracole calme le jeu et propose que nous commencions à partir pour Disque-Nuit. Une proposition sur laquelle Maître Gaer et moi-même nous nous jetons avec plaisir. Une fois les chemins entamés, Caracole nous ravi même d’un chant très agréable.

Ainsi, nous traversons le pont où des traces de sang nous rappelle la sombre affaire dans laquelle un marchand a été la tragique victime. Evidemment, comme il pleut et que notre groupe possède une capacité de concentration proche du plan du vide, nous nous mettons tous à fouiller les environs dans l’espoir d’y trouver des traces encore visibles qui puissent nous mener à un indice avant que la pluie n’efface ces-dits hypothétiques indices. Cependant, j’insiste pour partir rapidement vers la Tour. Je connais assez mes camarades pour savoir que cette petite escale de notre voyage (qui n’a pas encore commencé, je le rappelle) peut se transformer en une quête en soi. Et il est hors de question que je retourne voir les parents de Sir Abel pour leur dire que nous avons encore une fois échoué à aller quérir l’aide du mage de la Tour. Il va de soi que personne ne m’écoute mais heureusement (ou malheureusement), les traces de sang contre le parapet ne nous indiquent que la violence de cet assassinat. Nous repartons alors rapidement et certain de mes compagnons ne manquent pas de me faire comprendre que je m’inquiétais pour rien.

Mais je vous connais, mes amis. Sachez-le.

Au bout d’une bonne demi-heure de route, le climat s’adoucit et les nuages se dissipent pour découvrir un bel arc-en-ciel. Je profite de cet instant de contemplation tandis que nous arrivons près des fermes abandonnées. Certains tentent de mettre le sujet de la potentielle retraite sur le tapis et la discussion s’achèvent sur un magnifique projet de petit quartier général pour notre compagnie. Un magnifique projet mais les dieux m’en gardent : D’ici là, j’espère avoir retrouvé le confort et la sérénité de ma Tour. Je n’ai toujours pas oublié les promesses que je me suis faites à moi-même, ce matin.

Lorsque nous atteignons les contreforts Laminés, mes amis décident de faire halte pour se sustenter. Surtout que l’après-midi est maintenant bien avancé. Une fois reposés, nous reprenons la route sur laquelle nous croisons un homme d’une trentaine d’année, vêtu d’une robe rouge de magicien. Cet homme se présente comme étant Guenaël, venu de l’ouest du pays, pour un partenariat avec le mage local. Cependant, n’ayant reçu aucune réponse, il est en chemin pour rentrer chez lui. Son nom m’est familier et mes connaissances me permettent de dire que ce mage est relativement connu pour être assez puissant et participant aux efforts de guerre contre l’Empire. Evidemment, je montre toute ma courtoisie à ce héros de Brise-Nuit. Un comportement qui interloque mes compagnons. Finalement, j’y vois peut-être notre chance d’aider notre ami Sir Abel. Immédiatement, je lui parle de nos mésaventures et de la raison qui nous pousse à monter jusqu’à la Tour, lui demandant son aide au passage. Maître Guenaël y réfléchit et accepte de nous aider pour la modique somme de mille deux-cent pièces d’or. Une sommes que nous sommes encore incapables de récolter. Cependant, le maître-mage accepte de nous faire un prix et de baisser son prix jusqu’à quelques dizaines pièce d’or, à condition que nous réussissions à convaincre le mage de Disque-Nuit de conclure un partenariat avec lui.

Cette demande me semble frauduleuse : Si ce grand magicien n’a pas réussi à obtenir gain de cause avec ses seuls arguments, il n’y a aucune chance pour que les nôtre atteignent ceux de cet ermite. Cependant, il nous laisse trois jours pour convaincre le maître de Disque-Nuit et je m’accroche à cet espoir avec beaucoup de ténacité. Bien qu’il ne nous ait pas encore apporté son aide, je le remercie pour cette proposition et nos chemins se sépare. Le sien descendant jusqu’à Gavecombe tandis que nous continuons de grimper vers la Tour.

Enfin, nous arrivons plutôt rapidement aux pieds de la Tour, le trajet ayant été particulièrement clément en terme de danger. Pour moi, c’est la première fois que je la vois. La tour est gigantesque et je me sens minuscule, à ses pieds. Une massive porte en chêne nous accueille. Fermée et verrouillée. Je frappe à la porte, mes compagnons également. Nous en appelons éventuellement au Maître des lieux de se faire connaître mais nous ne recevons aucune réponse. Un peu dépité, nous tentons plusieurs approches, plusieurs ton de doléance, en vain. Cela était prévisible. S’il était si simple de rencontrer le mage, sans doute n’y aurait-il pas autant d’étranges rumeurs contradictoires. Pourtant, j’ai bon espoir de trouver un moyen d’entrer. Il est hors de question de faire demi-tour sans une réponse formelle. Qu’elle soit positive ou non.

Nous tentons de d’expertiser la magie qui émane du lieu et nous constatons que la tour est ensorcelé par un sortilège de transmutation. Une constations qu’avait déjà établi Caracole lors de son éclairage près de la tour, il y a quelques jours. Mais dorénavant que je vois l’immensité du bâtiment, je ne peux m’empêcher de penser que cette tour doit renfermer des choses dangereuses et puissantes pour qu’un magicien prenne le temps d’y placer une telle protection. Protection dont les effets nous sont encore inconnus.

Qu’à cela ne tienne, Arthrus décide d’expérimenter la chose en envoyant un puissant rayon de glace contre le mur. Et à notre grande surprise, le rayon est renvoyé par les pierres de la tour. Nous savons aussi qu’une attaque de faible envergure n’aurait guère d’utilité. Mais pourquoi une telle protection ? Si de nombreux dangers guettent les voyageurs de la région, cette protection me paraît quelque peu disproportionnée. Surtout au vu de la suite de nos découvertes.

En effet, Smeralda, tout aussi déterminée, décide d’escalader la paroi de la tour. Elle tombe une première fois. Je la soigne. Elle retente et à force de persévérance, elle finit par se hisser jusqu’à la première fenêtre d’où elle aperçoit une immense prairie verdoyante. Ce paysage la surprend et on évoque une pléiade de théories concernant la magie qui anime cet endroit. Portail magique, illusion, accès vers d’autres plans d’existence,… Smeralda n’est pas encore satisfaite et veut savoir si la protection de la tour renvoie les attaques émise vers la fenêtre. Elle tir d’abord un carreau d’arbalète qui rebondit et s’envole trente mètres plus loin. Nous voulons désormais savoir si cela fonctionne avec un objet inoffensif. Effectivement, une pièce de cuivre s’envole également au loin. Il est donc impossible de pénétrer par la fenêtre dans ces conditions et Smeralda redescend immédiatement.

Durant ce temps, Caracole décide de s’asseoir devant la porte. Lorsque je lui demande ce qu’il fait, il ne répond pas. Tant pis. Quand la nuit tombe, mes amis acceptent de faire un roulement pour me tenir un tant soit peu compagnie. Une faveur que j’apprécie grandement et pour laquelle je leur suis très reconnaissante. Lorsque le tour de Caracole vient, ce dernier m’ignore. Je tente de l’embêter quelque peu mais il se vexe et me renvoie immédiatement. Allons donc pour quatre heures de surveillance passé dans le silence.

Durant la nuit, au cours d’une heure de roulement, tous mes camarades se réveillent en sursaut. Tous, sauf moi, ont reçu un message télépathique. « Vous n’avez pas besoin de maître, repartez. » Une étrange phrase qui nous indique alors les conditions pour avoir un entretien avec le magicien. Je tente tout de même de m’approcher de la porte, n’ayant pas reçu l’injonction de quitter les lieux. Evidemment, je ne cherche pas de maître et le magicien doit sans doute le savoir puisque la porte me reste close.

Alors, commence une longue et pénible discussion. Caracole et Smeralda ne sont pas mages. Ils n’ont guère le désir de se faire former. Maître Gaer se montre honnête : Elle ne veut pas de maître, elle a déjà eut tout l’enseignement qui lui était nécessaire. Les regards se portent communément sur Arthrus, anxieux et bloqué dans une impasse délicate. Arthrus avait déjà émis l’éventuel souhait d’avoir un maître tout en rejetant cette possibilité, intimidé à l’idée d’être de nouveau rejeté, refusant catégoriquement de prendre le risque que cela se reproduise de nouveau. En plus de cela, il se torture grandement par notre faute car il sait que nous avons besoin d’un entretien avec le mage et il doit certainement craindre d’être rejeté par le groupe à cause d’un éventuel refus. Alors, nous le rassurons : S’il ne veut pas d’un maître, nous partirons et trouverons une autre solution. S’il en veut un, nous respecterons son choix et serions tous ravi qu’il puisse s’épanouir ainsi. Pendant un long moment, il hésite avant de se jeter brusquement vers la porte, de supplier de le prendre en tant qu’apprenti, il frappe sur la porte et d’un souffle, se fait téléporter.

Silence.

Durant un long moment, nous restons tous interdits. La nuit me semble brusquement oppressante. J’ai du mal à comprendre ce qu’il vient de se produire. A l’accepter. Arthrus est parti sans un au revoir. Ses dernières paroles étaient celles du désespoir et de la fureur. Quelque chose en moi à eut un sursaut, un affolement blanc et glacial. Comme si mon esprit tordait la réalité pour me faire accepter sa mort.

Je reprend rapidement conscience de la réalité : Il est là. Derrière ces murs. Nous le reverrons un jour. Peut-être même pourrais-je continuer à entretenir des rapports épistolaires avec lui comme nous l’avions toujours fait. Tout va bien.

Il nous faut du temps pour digérer le départ d’Arthrus. Smeralda semble être la plus touchée. Nous nous recouchons petit à petit et il ne reste dorénavant que quelques heures avant le matin. Je propose à ceux qui n’ont pas encore fait leur tour de garde de le terminer seule. J’ai besoin de calme et mes compagnons, de se reposer.

Au petit matin, nous plions bagage et préparons le retour à Gavecombe. Un poids lourd dans l’estomac, le silence pour seul requiem.

Mais c’est alors qu’une lumière vive apparaît devant la porte. Une silhouette se dessine. Celle d’un nain. Celle d’Arthrus. Des sentiments de joies et de confusions se mêlent aux exclamations et aux questionnements qui fusent. Je le prend dans mes bras pendant que Caracole lui demande ce qu’il s’est passé. Arthrus a la mine boudeuse et l’air renfrogné. Il a échoué dans les épreuves que lui a posé le magicien. Un échec cuisant pour Arthrus qui n’est pas armé pour supporter ce sentiment-là. Lorsque nous lui demandons s’il a demandé pour le partenariat, pour Abel, Arthrus nous répond qu’il n’a pas eut l’occasion de le rencontrer, ni de lui poser la question. Il s’en excuse, s’en veut et je comprend que nous ne trouverons aucune aide ici. Nous réconfortons tous Arthrus, lui assurant que nous sommes heureux de le revoir et désolé qu’il ait échoué. Puis, nous repartons vers Gavecombe.

Il nous reste encore deux pistes : L’argent et Maître Gallen. Nous ne pourrions jamais rassembler mille deux-cent pièces d’or en trois jours, à moins de s’impliquer dans de basses et sombres besognes. Cependant, nous connaissons le prix approximatif de ce service auprès d’un magicien. Comptant environs une centaine de pièce d’or pour un trajet aller-retour vers une ville comportant un magicien compétant, nous ouvrons désormais les yeux sur la possibilité de libérer Abel plus rapidement que nous le pensions. Quant à Maître Gallen, un message à envoyer prendrai environ cinq jours de voyage. Cinq jours supplémentaires pour recevoir une réponse. C’est déjà plus rapide que de rassembler l’argent ou que d’attendre que moi ou Arthrus soyons assez puissants pour accomplir le rituel sans aide.

Le chemin du retour nous ne faisons pas de rencontre fâcheuse avant de revenir vers la zone la plus dangereuse, d’après notre expérience : Celle qui longe à la fois les Contreforts Laminés et le Bois de Noctaria.

En effet, nous croisons un mille patte monstrueux enroulé autour d’un arbre. Je sais que ces bêtes sont dangereuses et j’en fais part à mes compagnons afin que nous puissions les contourner. Mais Smeralda, en mal de violence, se jette sur la créature sous le faux prétexte de protéger la population de ces créatures en diminuant sa population. Un peu atterrée, je vois mes autres compagnons rejoindre le combat et Smeralda se fait empoisonner par la salive paralysante de ces bêtes-là. La seule aide que je peux apporter serait de les attaquer entre les pattes. Rapidement, Caracole fait exploser le mille patte grâce à son regard incendiant et nous découvrons que les mille-pattes étaient deux et en plein accouplement. Le second nous attaque et c’est Maître Gaer qui s’en débarrassé. Et dire que ces animaux n’ont rien demandés…

Par acquis de conscience pour trouver un potentiel remède à l’empoisonnement de Smeralda, je tente sans trop savoir comment m’y prendre de prélever un peu de salive dans les glandes de la créatures. Je ne fais rien d’autres qu’en rependre partout autour de mois. Quant à Caracole, il décide de récolter une tête pour demander une récompense.

Si je suis d’accord que nous devrons trouver rapidement de l’argent (je sais que Caracole ne recherche pas la richesse et il me fait comprendre que s’il souhaite se faire récompenser, c’est pour récolter de l’argent pour Abel) mais je suis répugnée à l’idée de sauver Abel grâce au meurtre, à la chasse à l’homme et au mercenariat. Et je pense que lui-même ne voudrait pas être sauvé au prix du Mal, de la cupidité et de la destruction.

Nous passons donc par Castelvigor. Pour le mage-roublard d’abord, puis pour que Caracole puisse jouer aux mercenaires. C’est Andélys qui garde la porte, aujourd’hui. Je suis toujours très heureuse de le revoir mais nos dernières mésaventures et le trouble qui étreint mon esprit me rend morose. Je me dois de lui expliquer ce qu’il s’est passé avec ma mule, quand bien même la honte me broie les tripes. Smeralda parle prestement. Pour les récompense et pour discuter du marchand assassiné également. Une excellente idée.

Pour ce qui est du marchand nous apprenons qu’il s’appelait Abyril et qu’il était originaire de Griseloge, un village situé à quelques jours de marche, si l’on suit le cour de l’Apaisée. Il revenait d’un voyage d’affaire et retournait simplement chez lorsqu’il s’est fait assassiné. Certainement sur le pont de Blême-Aven puisqu’il apparaît au crépuscule à cet endroit et menace de tuer toute personne tentant de traverser le pont tant qu’on ne lui aura pas restitué ses biens et qu’il n’aura pas eut droit à des funérailles. Ses biens sont composées de quatre pièces d’or ainsi que seize foutues pièces de platines. Il aurait également un bracelet en argent. Enfin, le fantôme aurait confirmé que les Maraudeurs Prestes sont bel et bien responsables de sa mort. Voilà toutes les informations que les chevaliers de Castelvigor ont pu rassembler sur la victime et son fantôme. Nous jugeons que nous devrons aller à la rencontre du fantôme, ce soir, afin d’en savoir plus.

Quant au magicien Maraudeur, nous avons enfin son identité. Un certain Valtui-le-Livre-Noir. Comme c’est original. Cet homme aurait une prime de cinquante pièces d’or sur sa tête. Une récompense que nous acceptons, bien que mon sentiment là-dessus n’ait pas tellement changé. Je me laisse cependant convaincre par la nécessité pécuniaire. Je commence à me demander ce qui me gêne réellement dans le mercenariat lorsque l’activité est clairement encouragée par les autorités locales. J’ose verbaliser cette question auprès d’Andélys qui m’explique avec ses mots que c’est un passage obligatoire au vu de la menace que représente les Maraudeurs Prestes. Je le comprend. Maître Gallen avait souvent tendance à dire qu’il est plus efficace d’éclairer l’obscurité plutôt que de maudire les ténèbres. Ca ne rend pas mon sentiment plus facile à vivre mais cela m’aide à m’y soumettre. Peut-être faut-il accepter l’importance de ce genre d’activité dans le processus complexe qu’est la criminalité ? A méditer.

Nous apprenons également que le butin trouvé dans la ferme abandonnée et que nous avions déposés la veille à Castelvigor viendrait d’une caravane marchande datant d’il y a huit mois. Je crois que cela correspond à quelques mois avant notre venu à Gavecombe, me faisant penser que le problème des Maraudeurs Prestes doit dater depuis longtemps. Les propriétaires seraient morts et nous sommes libre de le récupérer et de le revendre. Smeralda songe à le revendre auprès du Camp Bohémien. Ma foi, je suis un peu réfractaire mais rien ne nous empêche légalement de le faire.

Nous quittons Castelvigor après avoir chargé la charrette de notre butin et nous nous rendons à la ferme des parents de Sir Abel, comme j’ai insisté pour les informer de la situation. Caracole n’est pas de mon avis. D’après lui, il serait sans doute plus sage de ne pas les garder informer afin d’éviter qu’ils ne se tournent vers la criminalité pour rassembler l’argent qui permettrait de libérer leur fils. Je ne veux pas leur mentir. Nous leur devons la vérité. Cependant, j’ai eu moi-même cette crainte et l’entendre de la bouche de Caracole m’inquiète sérieusement. Il a certainement raison. Cette fois-ci, je décide de suivre son instinct à moitié. Lorsque nous les rencontrons, Caracole et moi (le reste du groupe décide de rester dehors), nous constatons que la mère de Sir Abel continue de maigrir et elle semble ailleurs. La folie commence à la guetter. Quant au père, il nous écoute attentivement tandis que j’explique dorénavant quels options il nous reste : Voyager pour trouver un autre mage, attendre que nous soyons assez puissants pour incanter le rituel nous-même ou faire appel à Maître Gallen. Je ne leur cache pas que si Maître Gallen ne répond pas favorablement à notre demande, alors libérer Abel nous demandera des mois de travail. Peut-être des années. Je sens sur moi le regard désapprobateur de Caracole qui souhaite que ces braves gens puissent garder une espèce d’espoir mais je ne veux pas qu’ils attendent derrière des chimères. Ils doivent savoir que le cas d’Abel prendra peut-être bien plus de temps que nous l’imaginions et se préparer à de longues et difficiles années.

Puis. D’un coup. Derrière les parents de Sir Abel, je vois un morceau sanguinolent et grouillant de vers, un morceau de chaire plein de poil se coller contre la fenêtre. Les parents de Sir Abel, sans doute trop absorbés par notre conversation, n’ont encore rien vu mais moi, c’est juste en face. Je reste interdite quelques minutes avant de voir Smeralda récupérer le morceau et Arthrus se mettre à nettoyer. Heureusement, Caracole a un réflexe salvateur : Il se lève et se met contre la fenêtre pour cacher la vision d’horreur aux deux fermiers. Je remercie les dieux que je porte un masque à l’heure actuelle et tente de continuer la conversation comme si de rien n’était mais ils voient bien que je ne parle pas aussi naturellement. Que je ne suis plus vraiment notre conversation. Mais d’où sort cette horreur ? Qu’est-ce qu’ils peuvent bien fabriquer, dehors ?

Lorsque nous sortons enfin après avoir salué les parents de Sir Abel, Caracole et moi nous renseignons et il semblerait que Arthrus ait décidé de jouer avec un morceau de peau des loupiots que nous avions affronté la veille. Un millier de questions me viennent à l’esprit mais je sens qu’aucune réponse ne saurait me satisfaire ou m’apaiser. Je décide de me taire et de laisser Smeralda et Caracole s’énerver contre le magicien.

Nous retournons alors à l’auberge. Mon seul objectif, dorénavant, est d’écrire un courrier à destination de Maître Gallen. Et les dieux savent combien j’ai de choses à raconter. Je ne fais donc pas attention à ce que mes amis font puisque cette fois-ci, Caracole décide de profiter du luxe que ses talents lui permettent et prend des chambres de luxe, donnant ainsi accès à une salle arrière, réservée à une clientèle plus exigeante. Jarlänne nous propose ainsi de visiter les accès plus huppés de l’auberge (comment cette auberge peut-elle accueillir une clientèle noble ?) et bien que je n’aie pas de chambre dans l’auberge, je suis assimilé au groupe. Je range papier et encre et je suis mes compagnons.

La salle arrière est aussi luxueuse que le promet l’aubergiste. Parmi les clients de la salle arrière, je reconnais certains parents qui m’emploient. Ce sont des notables qui me rappellent à mon devoir d’enseignante. Maintenant que nous n’avons plus qu’à rassembler de l’argent et que nous comptons sur la bienveillance de mon Maître pour sauver Abel, je songe que je pourrais être davantage disponible pour ces enfants. Toutefois, c’est oublier notre quête concernant le fantôme ainsi que notre responsabilité vis-à-vis du jeune nain que nous tentons de sauver de la criminalité. Je suis censée être une érudite et me voilà embrigadée dans des affaires de mercenariat et d’enquêtes sordides. Ma réputation va certainement aller de mal en pire, si cela continue. Qui voudrait confier l’enseignement de ses enfants à une baroudeuse des campagnes ?

Cette salle est très confortable mais je tâcherai d’éviter de trop m’y reposer. Il s’agirait de garder une image sobre et intellectuelle. D’ailleurs, n’est-ce pas le moment idéal pour sortir ma plume, mon encre et mon papier ? Voilà une activité dans laquelle je peux me plonger publiquement. Pendant ce temps, Smeralda s’en va séduire de vieilles peaux (pardon : Smeralda s’en va faire du repérage) tandis que Maître Gaer et Arthrus vont danser ensemble. Caracole, quant à lui, semble être à son aise au milieu de cette ambiance mondaine. Il discute avec celle que je reconnais être Dame Artémis Roc-Vigile, une femme puissante et ayant une grande influence sur l’économie de la région. Si Caracole la séduit de son art et de ses fous projets, peut-être pourrait-il récolter rapidement de l’argent pour sauver Sir Abel ? Je lui fais confiance et m’en retourne à ma lettre.

J’y note toutes mes idées, toutes nos mauvaises fortunes, tous mes doutes et toutes mes colères tandis que mon esprit s’échauffe et fait naître d’autant plus de choses à raconter. Je tente d’être la plus synthétique possible mais il est complexe pour moi de parler d’un sujet sans en évoquer un autre. De limiter l’expression de ma pensée tout en détaillant nos aventures. J’aimerai que mon Maître ait toutes les informations nécessaires pour pouvoir juger le plus sagement de ce qu’il conviendrait de faire mais dans un même temps, je sais ce qu’il conviendrait de faire : Il faut qu’il m’aide. Je ne peux pas l’exiger de sa part. Peut-être que je fais fausse route ? Peut-être que je dois accepter la situation et que cette dernière débloquera d’autres possibilités pour d’autres destins à venir ? Qui sait ce que la toile de l’Univers et la volonté des dieux ont-elles décidé pour chacun de nous ? J’anticipe tous ces arguments à travers des formulations maladroites comme si j’avais le moindre pouvoir sur la décision finale de Maître Gallen. J’ai l’impression de me disputer avec lui, dans ma tête. Mais je ne fais que m’angoisser devant une page noircie de surabondants détails inutiles écrits en de minuscules caractères illisibles. Il faut que je fasse plus concis. Plus propre. Je retente une nouvelle approche qui feint la sérénité et l’acceptation, quelle que soit la décision de mon Maître mais je repars rapidement dans l’anticipation obsessionnelle de sa réponse. Je refuse son refus par avance et cela me rend folle de ne pas avoir de contrôle là-dessus. Une chose est sûre : Ma lettre transpire de mon désir de retourner à ma vie d’avant et je ne m’en cache nullement.

Pendant ce temps, alors que je suis entièrement absorbée par l’effort de concentration que réclame l’écriture de ce manuscrit, j’entends un affolement général dans la salle, suivi un lourd silence. Je relève mes yeux sur l’assemblée. J’y vois Maître Gaer aux yeux exorbités, Arthrus qui minaude « qu’il n’a pas fait exprès » sans se montrer le moins du monde convaincant et Dame Artémis. Couverte et poisseuse d’un vin elfique luxueux.

Le drame. La salle est interdite. Le temps se suspend un instant et les secondes passent sans que personne ne réagisse. C’est lorsque la voix de Smeralda éclate que le temps s’égraine de nouveau normalement. Elle tente d’aider Dame Artémis, s’excuse profondément et tout autour, court le bruit des rumeurs. Je ne sais comment réagir. Comment agir. Je cherche le seul qui me serait d’un secoure raisonnable mais il n’est nulle part. Où s’est donc enfui Caracole ? Ne le trouvant pas dans la salle, il me semble évident qu’il faut réagir vite et mes compagnons restants et moi emmenons Arthrus en dehors de la salle de réception après que Dame Artémis ait jeté cet incident d’un revers de la main, quittant noblement la pièce.

Cette fois-ci, Smeralda s’y met avec moi pour enguirlander Arthrus. Il est allé trop loin. Il nous a mis en danger et il devient inespéré de pouvoir réussir la moindre entreprise avec ce magicien fou et égocentrique entre les pattes. Arthrus nous explique qu’il désirait rapprocher Smeralda et Dame Artémis. Qu’il espérait aider Smeralda à se rapprocher d’elle. C’est ridicule, cela nous met tous en danger et nous lui en parlons. Un excellent moment pour qu’Arthrus se mette à pleurer. Smeralda n’a aucun remord à continuer son sermon et je devrai certainement prendre exemple sur elle : Après tout, Arthrus n’est plus un enfant. Mais je n’ai pas le cœur à l’engueuler. Je tente une approche plus douce. Plus pédagogique. Arthrus semble avoir compris et maintenant que le mal est fait, je leur explique que le mieux serait de taire cette affaire. Dame Artémis a été gravement humilié au milieu de ses amis. Le retour de feu risque d’être violent mais cela, Arthrus devra l’assumer. Smeralda propose qu’il s’humilie publiquement et volontairement devant elle. Assez gravement pour que Dame Artémis passe l’éponge. Néanmoins, je n’ai pas le désir d’aider l’un de mes compagnons à orchestrer son propre malheur. Arthrus devra se responsabiliser mais il n’est pas question qu’il se manque de respect à lui-même. Il s’en occupe déjà suffisamment au quotidien comme ça. Nous verrons bien comment Dame Artémis vengera cette affaire…

En attendant, le Crépuscule tombe bientôt et nous ne trouvons Caracole nulle part. D’après l’aubergiste, il aurait été aperçu avec un tableau entre les mains, sortant du bâtiment. Nous sommes tous inquiets mais je commence à m’habituer à ses manœuvres solitaires. S’il tente d’offrir un tableau à Dame Artémis pour nous faire pardonner cette affaire sans nous consulter, alors il devra prendre sur lui lorsqu’il se rendra compte que cette idée est mauvaise. Quant à nous, nous devons impérativement nous diriger vers le pont de Blême-Aven avant la fin du crépuscule. Caracole nous y rejoindra certainement lorsqu’il aura terminé ce qu’il a à faire.
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Mar 8 Fév 2022 - 12:05
Retour à Gavecombe

Cela faisait longtemps que je n’avais pas repris le court de cette chronique. Pour ainsi dire, bien avant de quitter mes anciens compagnons. Il était étrange pour moi de continuer à coucher par écrit mes propres aventures jusqu’à ma Tour. Les choses s’étaient encore engagées dans un étrange rouage où seules la mort, la tristesse et la désolation avaient leur place. Mon Maître est mort. Ses assassins sont morts. Tout le monde est mort. Il ne reste plus que moi, au milieu des ruines de ma vie.

Que disais mon Maître ? L’important d’abord. Il est sans doute temps pour moi de regarder mon Destin dans les yeux et d’arrêter de fuir ce que les dieux ont décidé pour moi. Et lorsque je detaille le bilan de ma vie, je comprend qu’il était nécessaire que je revienne à la terre qui m’a vu grandir pour constater que mon existence croiserait toujours le chemin de la destruction et l’obscurantisme. Mon rôle en ce monde (tout du moins, celui qui me plaît d'accomplir) est d’apporter la lumière de la Paix par la connaissance, aussi me semble-t-il devenu une évidence que la voie que j’emprunte se confrontera inlassablement aux ténèbres. Sans doute est-ce là que se trouve mon destin.

J’ai laissé de nombreuses choses derrière moi et tout me ramène à Gavecombe. Cette corde brisée me le rappelle cruellement. Je dois retourner sur mes pas et reprendre les obligations que j’y ai laissé. S’il s’agit effectivement de la voie que je dois suivre, alors mon Destin saura mettre sur ma route les alliés dont j’ai besoin. Je prend alors le strict nécessaire, quelques livres que j’ai pu sauver des décombres afin de tuer mon ennuis et les cendres de mon maître car j’espère pouvoir lui rendre une sépulture décente. Maître Isaïas avait toujours pris le sujet de sa mort avec beaucoup de philosophie : Pour lui, la mort était le signe que le monde devait oublier le passé pour se tourner vers l’avenir. Qu’Aaïa l’entende ; je suis certaine que le Nécromant aurait trouvé ses traits d’esprit charmants. Sa Neutralité avait souvent provoqué de drôles de débats entre nous. Quant à moi, j’avais encore besoin de me tourner vers lui et de me rappeler du passé pour mieux aborder l’avenir sans me tromper de voie.

Ma route jusqu’à Gavecombe se déroule sans grandes encombres. Je rencontre quelques voyageurs et aventuriers et je sens que mes dernières pérégrinations commencent à porter le fruit de mes expériences. Je me confronte toujours à quelques réticences face à la véhémence avec laquelle je défend mes principes mais je sais désormais que je n’ai plus à m’en étonner et que mes pensées sont sans doute trop modernes pour être comprises. Bien souvent, je conclus un contrat auprès des groupes avec lesquels je voyage pour maintenir la cohésion : Si mes compagnons acceptent temporairement mes conditions, je leur offre mes talents curatifs et mon savoir encyclopédique. Certains groupes acceptent bien volontiers tandis que d’autres s’en accommodent. Pour ceux-là, mon désir de leur transmettre mes valeurs se fait plus vif et leur lassitude se fait plus flagrante. Peu importe, j’ai eut l’habitude d’égards bien moins courtois. Ainsi va le défilé des jours, tandis que mes nuits sont remplies de longues insomnies car je préfère feindre le sommeil plutôt que de révéler à mes compagnons de fortune la nature de ma condition.

Mon arrivée à Gavecombe me remplie de joie. A voir la forme des chaumières et la couleur du toit de Valserein, mes souvenirs s’embaument de l’odeur de la nostalgie. Si je me souviens avec une claire précisions toutes les émotions les plus vives qui m’ont animées ici, je me rappelle de batailles dans la neige, de mélopées dansantes, de buffets joyeux. Je me surprend même à rire de nos mésaventures et à trouver dans nos vieux conflits quelque chose d’aussi tendre que comique. A quel point mes anciens compagnons ont-ils changés ? A quel point ai-je changé ?

La première chose que j’entreprend est de me rendre à l’auberge pour saluer l’équipe de Valserein. Comme à son habitude, Järlanne est occupé à engranger de l’argent et je prend ses nouvelles du jeune Alcar. J’apprends très vite que mes compagnons sont toujours à Gavecombe mais que cela fait plusieurs jours qu’ils se sont rendus au Camp Bohémien. Cette nouvelle me rend tout à la fois soulagée et frustrée. Je ne sais pas encore à quel point je souhaite les revoir ou les éviter. En discutant avec les employés de Järlanne (car je n’aime pas cette mauvaise habitude qu’a l’aubergiste de faire monnayer l’information), j’apprends quelques surprises concernant mon ancien groupe : Récemment, un membre de la « Fraternité de l’Aube » ( ?! ) est mort tandis qu’Arthrus a été arrêté et mis dans les geôles de Castelvigor. Sur ces trois informations, celle qui me surprend sincèrement est le nom par lequel se fait appeler mon ancien groupe car le métier d’aventurier est dangereux et qu’Arthrus n’avait fait que progresser toujours un peu plus vers la voie de la destruction. Néanmoins, quelque chose dans cette affaire me perturbe : Lorsque je demande le détail des évènements, les employés bafouillent et baissent les yeux. Aucun d’eux ne semblent savoir ou vouloir me dire ce qu’il s’est passé. La plupart me proposent directement d’aller à Castelvigor pour me renseigner. Ce que je fais très rapidement.

A Castelvigor, l’atmosphère est plutôt lourde et chargée de sentiments mauvais. Ils ne m’en disent pas plus que les employés et m’indiquent qu’il est impossible pour moi de visiter Arthrus. L’idée me perturbe et je commence à sincèrement m’inquiéter. Arthrus était instable et possédait un sale caractère, personne n’aurait pu le nier mais ce n’était pas un mauvais bougre et il se comportait surtout comme un enfant capricieux. Qu’aurait-il bien pu faire pour que tout le monde semble prendre cette histoire avec tant de sérieux ? Le pire me traverse l’esprit mais je n’ose pas y penser. Je reviendrais avec le groupe. Peut-être que ma demande de visite aura ainsi plus d’appui. En attendant, je demande au garde de la porte de passer mes salutations à Andelys et c’est ainsi que j’apprends sa mort.

Trois personnes en ce monde m’ont acceptés, sauvés et soutenus sans condition, posant sur moi une confiance que je n’ai jamais eut pour moi-même. Le père, le frère, le confident. Et ces trois personnes ont toutes été tuées.

Les larmes ne coulent pas. Le silence me traverse car mon cœur ne bat plus. Le désespoir me gagne un instant. Alors que le garde de la porte constate que la nouvelle me bouleverse, nous nous présentons mutuellement nos condoléances. Puis, il me laisse seule avec pour seule compagnie, les doutes que je porte en moi-même.

Que disait mon Maître, déjà ? L’important d’abord.

Il y a encore ses cendres dans mon sac. Eligore doit être inconsolable. Il est temps de me rendre à Chastalbâtre. Eligore me reçoit toujours avec une grande solennité et accepte mes condoléances sans un mot de plus. Je propose mon aide mais elle me rappelle que je serai bien incapable de m’adapter aux méthodes de Lamaria. Je crains que cet homme ne me demande d’être complice d’actes de cruauté envers des vies qu’il considère inférieures à lui sous le prétexte qu’elles ne partagent pas son sens de la Justice. L’échange que j’ai avec Eligore est court et transpire la désolation. Comme a son habitude, elle se contente d’être strictement formelle et ne gaspille pas son propos. Je n’ai pas osé lui demander si je pouvais déposer les cendre de mon Maître au sein du sanctuaire. Je me contente juste d’aller me recueillir auprès d’Andelys et d’Abel.  Bien que je ne partage pas toujours les pensées des Paladins, je ne cesse de penser à Eligore et à combien sa volonté force l’admiration en moi. Combien de proches a-t-elle vu mourir sous le coup des forces du Mal ? Combien de deuils a-t-elle dû subir alors que ses responsabilités dans l’Ordre nécessitaient toute son attention et sa clarté d’esprit ? Combien de ses compagnons d’arme a-t-elle dû soutenir pour maintenir la flamme de l’espoir en eux tandis qu’elle-même n’avait pas le luxe de faillir ? Je me sens brusquement ingrate. Andelys et Abel sont morts en faisant de leur mieux pour défendre des valeurs proches des miennes. Comment pourrais-je douter de mes convictions quand d’autres sont prêts au sacrifice ultime ?

Je quitte Chastalâtre et décide de reprendre de vieilles activités : Les soins et l’enseignement. Au jour de mon départ, alors que nous nous disputions encore avec mes compagnons, j’eus un geste qui n’aurai pas dû avoir de conséquences puisqu’il avait été prévu que plus jamais je ne revienne à Gavecombe : Je me suis démasquée publiquement dans l’auberge. Cette anecdote, je l’oubliai un temps avant de m’en souvenir car plus aucun des parents chez qui j’enseignai ne semblaient encore vouloir de mes services de préceptrice. Je me contentais donc d’offrir des soins auprès de ceux qui en avaient besoin. Evidemment, puisque je fais payer à la hauteur des moyens de celui qui me rémunère, je n’ai pour client que ceux qui n’ont pas les capacités de payer des soins magiques à leur juste valeur  tandis que les bourgeois ont tout intérêt à trouver des mages qui ne facturent pas leur entreprise au prorata de leurs revenus. Mes bénéfices sont maigres mais ils me suffisent puisque je n’ai guère besoin de dormir ou de manger. Je pense d’ailleurs à demander à Järlanne de me faire facturer une chambre sans lit où je peux entreposer mes affaires. Je crains que le fait que je ne mange pas ni ne dorme alors que je profite de son établissement le rende quelque peu bougon à mon égard et je le comprends.

Néanmoins, je n’ai pas le temps de lui en parler. Un homme, un jour, vient me voir et m’informe qu’il a fait le voyage depuis le Camp Bohémien pour quérir l’aide d’une personne capable de soins magiques. Ayant calculé qu’il lui revenait moins cher d’économiser pour une escorte entre le Camp et Gavecombe plutôt que pour obtenir les soins du prêtre Maximilien, l’homme eut pensé que des prêtres ou des paladins de la Justice ne refuseraient pas de l’accompagner gratuitement pour soigner une personne coincée entre la vie et la mort et maintenue en état par un médecin du Camp du Bohémien. Malheureusement, il avait tort et il trouva quelqu’un qui lui indiqua le chemin pour me trouver. L’homme était suppliant et semblait prêt à tout pour trouver une bonne âme charitable. Bien que le labeur fusse gratuit, j’acceptai la requête car cela ne me coûtait strictement rien : Nous étions escortés par les mercenaires que l’employeur avait lui-même payé et à part la perte de profit sur un sort, je ne perdrai rien à sauver une vie. D’ailleurs, mon employeur semblait refuser de me parler de la personne blessée, la manière dont elle avait été blessée et bien moins du lien qu’il entretenait avec elle. Je n’ai pas insisté : Les habitants du Camp Bohémien avaient toutes les raisons du monde de se méfier et préféraient généralement éviter de répondre aux questions trop personnelles.

Arrivés chez le médecin, je constatais que mon patient était une jeune fille qui ne devait pas avoir plus de dix ans. Une fois remise de sa blessure, l’homme et la jeune fille se prirent dans les bras et quelques effusions sentiments débordèrent sur moi. Quelque chose en moi se réchauffait et je comprenais (peut-être à tort) que ces deux-là devaient être père et fille. C’était précisément pour ces moment-là que j’aimais faire la différence.

Après le temps des retrouvailles et des larmes de joie, le médecin demanda à être payé. Le père me regarda et me dit en ces termes : « C’est-à-dire que j’ai tout donné aux mercenaires… » avec un visage tordu de gêne. Avec un soupire que je n’ai pu réprimer, je payais le prix du docteur et me consolai en me disant qu’heureusement que je n’avais pas à payer moi-même les mercenaires pour le voyage retour jusqu’à Gavecombe. « C’est-à-dire que… »



C’est ainsi que je me retrouve coincé au Camp Bohémien. Sans escorte, le voyage jusqu’à Gavecombe risque de m’être fatal et je n’ai jamais engagé de mercenaire. Pour ainsi dire, je n’aime pas beaucoup leur attitude et j’ai toujours un peu la crainte qu’ils ne profitent de ma faiblesse physique pour me dépouiller sur le chemin. Je me méfie toujours des gens qui sont prêts à risquer leur vie pour de l’or. Je dois trouver un moyen de passer la nuit en sécurité en attendant l’aube, puis chercher éventuellement des marchands qui passeront prêt de Gavecombe ou des aventuriers ayant besoin d’une guérisseuse de mon accabit. Quelque part, mon esprit se plaît à se perdre en plusieurs scénarios où je retrouverai Smeralda et Caracole. Dans les pires scénarios, nous nous disputons avec véhémence, n’ayant pas laissés notre dernier conflit derrière nous. J’imagine Smeralda ayant rejoint certaines forces du Mal et Caracole l’ayant suivi car je l’ai toujours soupçonné de ne pas savoir faire la différence entre le Bien et le Mal, puisque je l’ai toujours trouvé obsédé par ses valeurs de Liberté. Néanmoins, la « Fraternité de l’Aube » a peu de chance d’être une communauté de fripons sans foi ni loi et dans le meilleur des scénarios, le groupe accepte de me réintroduire au sein de la bravade et chacun accepte mes conditions car ils ont tous compris, enfin, le combat que j’essaie de mener pour la Paix. C’est ainsi que ma nuit se berce d’illusions tandis que je vois pointer l’aube.

L’aube ? A moins que je ne me trompe, le Soleil n’est pas censé se lever de ce côté-là de l’horizon… A bien y regarder, je crois qu’il s’agit d’un feu de forêt car j’entends également un peu d’agitation dans l’écho du lointain. Certaines de mes superstitions s’agitent en moi et je me sens attirée par les évènements qui bousculent le Camp Bohémien.
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Ven 11 Mar 2022 - 0:19
13e du 6e mois
Après l’agitation faisant suite aux brasiers de Noctaria, le calme est revenue et la matinée, vite entamée. Il est nécessaire pour moi de trouver quelques bons samaritains capables de m’escorter jusqu’à Gavecombe sans encombre. Mes meilleures options ne peuvent se trouver qu’au carrefour de toutes les rencontres : la Taverne. Un lieu où mes aises refusent de me suivre et où je me sens observée. Il est préférable pour moi de ne pas croiser le regard de quelque mercenaire mal luné. Je décide de me contenter de quelques informations et d’ignorer les malotrus qui me pointent indécemment du doigt. Regarder devant moi sans y faire attention. Voilà mon mantra, sans me douter de quels vieux amis je retrouve dans ce triste bourbier.

Leur voix résonnent encore en moi et leur regards illuminés persistent dans ma propre rétine. Caracole et Smeralda m’accostent avec la jovialité des grandes retrouvailles. Quant à moi, je reste seulement interdite et incapable de la moindre réaction.

Ce serait mentir que d’écrire que je n’ai pas imaginé cette rencontre en de si multiples perspectives que cela aurait pu être le sujet de chroniques à part entière. Cependant, dans aucun de ces fantasmes je n’avais imaginé me retrouver ainsi sans réparti. Pourtant, il y en aurait eut, des choses à dire. A raconter. Eux sont bavards et je me déresponsabilise en songeant que c’est parce que leur enthousiasme eut envahi ma marge de réaction que la seule qui resta à ma portée fut la passivité la plus docile.

Caracole et Smeralda me parlent tour à tour d’un certain Saint Armandras, défenseur des pauvres, tué par les actes d’Arthrus, faisant suite à la rencontre d’un « Solaar » ayant apposé une marque de la Justice sur Smeralda qui serait décédé puis ramenée à la vie grâce aux actions de Caracole qui aurait commandé aux villageois pour une expédition punitive dans le bois de Noctaria…
Mais…
Après sa mort, ils recrutèrent trois autres personnes dont une nécromancienne qui les aurait trahi, menant à un combat dans les bois alors que l’un de leurs nouveaux compagnons était transformé en lycanthrope et assommé par la nécromancienne traitresse puis enlevé par un yéti qui aurait également volé la charrette du groupe qu’ils auraient récupéré en sauvant des innocents des mains de certains esclavagistes…

Inutile d’insister : Je prend sûrement le cheval au galop et mes amis doivent avoir milles aventures à me raconter. J’en apprendrai davantage au fur et à mesure de la journée.

Je comprend néanmoins que Caracole et Smeralda sont accompagnés par une jeune femme très élégante et dont l’aura m’est familière. Elle se prénomme Annboelune Heurtenuit, issue d’une branche de la si révérée famille divine de Brisenuit. Pour une fois, les présentations sont formelles et je ne peux m’empêcher de me poser des centaines de questions à propos de la présence d’une dame de la haute société au sein de cette équipe bien insolite. Et cela tombe bien, je suis invitée à m’installer à leur table pour prendre le temps de remettre quelques pendules à l’heure.
Je n’ai pas encore décidé de revenir dans le groupe que l’on m’y accueille déjà avec une incroyable bienveillance. Je crains que cela ne soit dû qu’à quelques mésaventures et que leur âme se réchauffe de côtoyer une amie de confiance, car ils commencent tout d’abord par me soumettre leurs affaires les plus récentes et les plus urgentes.

Zephanie est l’amie de Dame Heurtenuit. Une nécromancienne manipulatrice et outrancièrement mauvaise qui fut un soutien très fort pour la jeune noble et qui a utilisé le lien de confiance qui les unissait pour la pousser à de terribles retranchements. Dame Heurtenuit affirme qu’elle se posait de nombreuses questions sur son amie et que sa trahison dans la forêt l’a convaincu de sa folie. En retour, Zephanie aurait tenté de la tuer, en vain, avant de s’échapper. En réponse, Dame Heurtenuit aurait provoqué ce feu de forêt qui m’a sorti de mes pensées, cette nuit. Quant à la nécromancienne, elle est actuellement introuvable et il est impossible d’affirmer si elle n’est pas morte dans l’incendie ou si elle a rejoint le Camp Bohémien. Ce ne serait pas la première fois que cette bravade s’attire les foudres de nécromanciens maléfiques et je ne saurai dire pour le moment s’il est une bonne chose que le groupe ce soit fait remarqué d’une potentielle initiée de la secte de Gavecombe.
Notre lecteur fera sans doute remarquer (et à raison) que la secte des Larmes Pourpres n’a pas montré de signe d’intervention au sein du Camp Bohémien. Néanmoins, le Camp me semble être un excellent pied à terre pour toute sorte de communauté maléfique et il ne serait pas étonnant que cette dernière prenne racine ici pour s’étendre vers Gavecombe plutôt que l’inverse. Il est encore trop tôt pour le dire mais je songe en parler à Smeralda lorsque le bon moment se fera sentir. Pour l’instant, elle semble plus fascinée par l’idée que je la trouve changée et vertueuse que par l’urgence de la situation.
D’ailleurs, l’urgence n’est pas dans la trahison de la nécromancienne mais plutôt dans disparition du dernier compagnon. Un certain Oswald, un mercenaire loyal et courageux que le groupe a engagé pour ses services de rôdeur forestier. Ce dernier, après un combat dans une arène récemment installée au Camp (voilà un sujet qui me fâche immédiatement mais que Caracole fait taire tout aussi rapidement), le rôdeur aurait combattu contre un lycanthrope qui l’aurait contaminé de sa malédiction. Alors que je ne fais que digérer la nouvelle, le groupe me sert déjà le plat principal en m’annonçant que c’est alors qu’il s’était transformé et que la nécromancienne a attaqué Caracole qu’un yéti sorti des bois est arrivé pour les attaquer et enlever leur compagnon. Le nouvel objectif du groupe étant désormais de retrouver Oswald le plus rapidement possible car chaque heure essouffle un peu plus les chances de survie de leur nouvel ami.

Nous partons donc pour le bois sans vraiment discuter des conditions que j’exige pour pouvoir librement rejoindre la Compagnie de l’Aube. Je préfère ne pas leur compliquer la tâche : Ils ont visiblement besoin d’alliés dans cette difficile épreuve et je serai tout à fait ingrate de leur refuser mon aide en tirant dangereusement sur la montre. Nous verrons cela en temps voulu.

Smeralda, en chemin, m’explique son changement brutal d’alignement moral. Comment Saint Armandras est entré au sein de la compagnie, le jour de mon départ et a tenté de mener une quête pour la dignité des faibles. Comment Smeralda est morte en essayant de suivre la voie qu’Armandras lui montrait et la manière dont Caracole, par la transcendance de ses chants, a attiré l’attention d’autorités artistiques des plans célestes. Cet imbroglio tout à fait incroyable a mené à la convocation d’un Solaar qui ressuscita Smeralda en échange de la loyauté du groupe et surtout de Smeralda à la cause du Bien.
Je ne sais pas ce qu’est un Solaar mais il a la capacité de transformer Smeralda en une championne de la cause du Bien et de ramener les mort à la vie, et cela comme une simple formalité. Je suppose alors qu’il doit s’agir d’un puissant et très sage serviteur des dieux de la Bonté et de la Justice. Je ne suis personne pour contredire les plans des dieux. Néanmoins, je ne comprends pas comment une méthode aussi radicale peut-elle être bénéfique. Ce qui rend une personne Bonne est justement la capacité de faire des choix allant dans le sens de la justice, de la vie, de la dignité et de la bonté. Retirer à une personne la liberté de faire ce choix, c’est lui refuser la chance de devenir bonne et de se racheter.
Une idée me traverse et m’effroi. Je doute très sincèrement que le Solaar ait agit par compassion ou pour aider Smeralda dans sa rédemption. Je trouve que cela ressemble à un geste calculé : Le Solaar considérait Smeralda comme exclue de toute rédemption possible et plutôt que de l’aider à comprendre comment orienter ses choix vers l’alignement du Bien, il l’a condamné à devenir un pantin au service des idéaux du dieu de la Justice.
Paranoïa, me dis-je très vite. Si ma théorie venait à être vérifiée, la méthode utilisée ne serait-elle pas digne de celle d’un tyran ? Un tyran peut-il servir les idéaux du Bien sans pervertir la cause ? Il y a quelque chose que je ne comprend pas et qui n’est pas sans me rappeler le zèle de Lamaria. En attendant, je ne sais quoi répondre à cette Smeralda qui me questionne du regard avec un visage plein de bonne volonté pour me demander si je la trouve changée. Elle a l’air d’une enfant excitée et je ne peux m’empêcher de la trouver adorable. Un sentiment que mon esprit réprime rapidement aux souvenirs de Smeralda qui me nargue de coucher avec l’entièreté de la population masculine de Gavecombe. Voilà un piège auquel elle ne me reprendra pas. Smeralda devra faire ses preuves et je ne me laisserai pas aussi facilement attendrir.
Bref. Elle ne semble pas trouver à y redire dans les décisions du Solaar pour qui elle doit avoir une certaine reconnaissance puisqu’il a épuisé son temps et son pouvoir pour la ramener d’entre les morts. Je souhaite simplement avoir tort et je profite de l’engouement de Smeralda pour la cause du Bien pour lui expliquer mes désirs de contrecarrer la secte. Une mission qui me fut confié par son frère lorsqu’il me légua la corde qui baptisa sa quête contre la secte des Gardiens de la Source.

Nous arrivons près des Bois et évidemment, il ne faut pas longtemps pour qu’un animal sanguinaire nous tombe dessus. Il s’agit d’un glouton géant. Des animaux qui s’enragent par la force et je sais que les animaux sont sensibles à une forme de diplomatie primitive. Nourriture, reproduction, danger, souffrance sont les principales raisons qui poussent les animaux à attaquer. Il faut donc communiquer avec lui mais le temps que je prévienne la compagnie qu’il ne faut en aucun cas attaquer le Glouton pour ne pas nous retrouver avec un glouton sanguinaire et enragé, Dame Heurtenuit prend l’initiative d’attirer sur elle l’attention belliqueuse de l’animal pour nous préserver. Un acte tout à fait courageux et qui aurait pu mériter mon admiration si cela n’avait pas aggravé la situation puisque le glouton considère désormais que nous sommes de véritables agresseurs.

C’est ainsi que le combat ne s’engage pas : Le but est désormais de faire quitter des lieux Dame Heurtenuit et Smeralda que le glouton juge comme des menaces afin de mettre fin au conflit. Ceci fait, je me rend compte que Caracole est en pleine inspiration musicale au bord des bois. Je sais que ce barde est quelque peu original mais il semble entêté à faire profiter toute la forêt de son talent artistique sans prendre conscience que cela attirera sur nous de nouvelles agressions. J’ai beau le tirer, lui parler, Caracole m’ignore (encore) sans même commencer à avancer vers le reste du groupe. Têtu comme un âne. Inconstant et incapable de réfléchir au-delà de ses propres visions. Toujours dans son bon droit, irresponsable et sans la moindre auto-critique. Voilà le Caracole que j’ai abandonné derrière moi.

Et bien sûr, ce qui devait arriver arriva : Le chant de Caracole attira sur lui la fougue d’un charançon géant qui lui fonça dessus avec la violence d’un centaure au galop.
Caracole, désarçonné de son cheval, tombe à la renverse et se trouvé coincé sous son destrier gravement blessé. Notre seule chance, c’est d’utiliser mon sort de Sanctuaire afin d’empêcher l’insecte d’attaquer Caracole puis de soigner le cheval pour qu’il puisse fuir. Heureusement, Smeralda et Dame Heurtenuit arrivent nous prêter main forte. Les pouvoirs de Dame Heurtenuit s’abattent sur la créature et Caracole l’achève d’un trait d’arbalète.

Voilà un gâchis de vie et de temps que je reproche secrètement à Caracole qui se contente d’annoncer qu’il essayait « simplement » de s’attirer la sympathie des animaux alentours. Une idée brillante puisque la forêt est habitée par tout un bestiaire folklorique que nous serions bien en peine de maîtriser s’il nous tombait dessus. Néanmoins, je garde mes remarques car je trouve cela inutile de discuter avec quelqu’un dont le comportement et les conséquences qui en découlent lui paraissent naturels et parfaitement irréprochables. Il ne prend aucune peine de présenter des excuses auprès de personne. Son dédain de petit artiste plein de suffisance m’insupporte au plus au point mais je refuse de discuter de tout cela avec lui. Dans ces moment-là, Caracole se conduit comme le dernier des abrutis et imite l’ignare inconscient alors que je le sais capable de réflexions prudentes et nuancées. Tout échange avec lui est voué à se noyer dans la mauvaise foi et l’égocentrisme.

Nous décidons donc de continuer notre route et c’est auprès de Heurtenuit que je retrouve mon calme. Elle me pose différentes questions sur les valeurs que je défend et tiens compte de mes recommandations avec une précaution qui me touche profondément. Mon cœur est froid mais Dame Heurtenuit réchauffe mon âme en présentant des excuses qui auraient dû être prononcées par Caracole. Elle se tient responsable de la mort du charançon (qui n’était guère mort mais dans cet état, la forêt ne saurait se montrer clémente) et considère avec humilité que je serai en droit de considérer son attaque magique comme étant un enfreint à mes valeurs. Alors, je la rassure : La situation était désespérée et dangereuse. Son héroïsme nous a sans doute sauvé d’un funeste sort et il n’y a guère de violence plus légitime que celle qui est utilisée pour défendre des vies en péril.

Dame Heurtenuit m’apparaît alors comme une grande héroïne en devenir. Elle manque de confiance en elle et en ses capacités mais elle a quelque chose qui effleure l’aura des grands champions dignes d’être cités dans le cœur de légendaires poèmes épiques. Je sens bien que la trahison de son amie la nécromancienne a laissé des marques et que les autres ne sauraient lui faire confiance avec autant de naïveté que moi mais je suis certaine que Dame Heurtenuit possède toutes les vertus nécessaires pour devenir une figure importante de cette compagnie si on l’aidait à s’épanouir et qu’on la guidait vers la bonne voie.

Finalement, notre piste fini par nous mener vers un loup. Impossible de savoir s’il s’agit bien de leur ami Oswald et le cas échéant, s’il n’attaquerait pas le groupe s’il se réveillait. Par précaution, je propose de le stabiliser et de soigner superficiellement ses plaies mais Caracole décide d’utiliser une de ses baguettes de soin. Je ne m’y oppose pas car je suis encore perdue, dans tous ces évènements que je ne comprend pas tout à fait. La vérité est qu’il faut que nous nous dépêchions. Nous avons oubliés beaucoup de sorts et je ne serai bientôt plus en mesure de soigner correctement mes camarades. Nous devons emporter le loup avant que d’autres créatures ne nous tombent dessus.

Et je ne crois pas si bien dire.

Un monstre à la forme lupine et à la gueule chiroptérale tombe du ciel et nous attaque. Evidemment, c’est Caracole qui vient de soigner le loup qui est victime de la violence de la créature que je ne saurais reconnaître. Tout ce que je constate c’est qu’elle possède un pouvoir de clignotement et par conséquent, sera complexe à vaincre

Le combat s’engage alors et Caracole reconnait l’animal qui se révèle être une créature planaire. Un extérieur mauvais. Avec son intelligence et sa hargne, le combat risque d’être particulièrement corsé. Brandissant ses armes et invoquant ses pouvoirs enchanteurs, Heurtenuit invoque un rideau de scintillement cristallin qui blesse gravement la créature. Néanmoins, elle reste debout et il m’apparaît comme étant de mon devoir d’aller porter secours à notre compagnon dont les blessures sont aussi profondes que sa bravoure. Après avoir guéri ses plaies, je décide de prendre le temps de choisir ma position dans ce combat – me précipiter alors que je ne suis guère combattante ferait de moi une cible facile et un véritable poids pour mes camarades – ce qui me permet de me rendre brusquement compte que les plaies du barghest sont beaucoup trop importantes pour qu’il puisse tenir encore debout. De toutes les théories possibles, celle de la rage m’apparaît la plus évidente et un rapide enchainement d’idées me permet de calculer qu’il ne lui reste que quelques secondes a tenir : Il faut l’affaiblir dès à présent pour que sa furie lui coûte plus qu’elle ne lui apporte. Une information que je partage mais la situation est difficile à maintenir : Caracole doit gérer son sortilège de graisse, Smeralda ne peut plus qu’affaiblir le barguest et Dame Heurtenuit fait de son mieux pour blesser la créature malgré son pouvoir de clignotement. Nous n’avons guère de temps et le barghest en profite pour ranimer une furie plus violente encore. Il nous semble que la situation devient ingérable et l’idée de fuir avec le loup devient une option envisageable. Néanmoins, alors que le combat reprenait en vigueur et en violence, Dame Heurtenuit attrape son arbalète, vise précisément et décoche avec maestria une flèche qui, guidée par la grâce des dieux, se fiche dans la nuque de la créature. Elle tombe au sol, inerte. Encore une fois, Dame Heurtenuit fut l’héroïne sur laquelle nous pouvions compter.

Le combat terminé et tandis que chacun se remet de ses émotions, un dilemme me traverse : faut-il laisser la créature mourir ou la stabiliser ? Ma compassion n’a-t-elle pas été suffisamment sélective dans cette journée, alors que j’ai laissé cet insecte mourir ? J’admet que depuis l’épisode de mon âne tué par un chélicéra, j’ai développé quelque chose de l’ordre de la peur pour les vermines. D’autant que ma mauvaise foi trouve à redire sur l’existence d’une conscience chez ces créatures – et j’en ai honte, dois-je l’avouer à mon lecteur – néanmoins, le barghest est une créature intelligente. Sa volonté de vivre ne peut être niée. Sa conscience non plus. L’idée que par un acte de bienveillance, d’autres créatures pourraient souffrir des attaques du barghest me frôle mais je l’évite en me rappelant que nul procès d’intention ne pourrait être intentée à quiconque et encore moins pour décider de la vie ou de la mort d’une créature. Je suis responsable de mes actes seuls. Alors je décide de soigner – discrètement – la créature et j’entends alors Caracole trouver à y redire. Je me garde bien de trouver sa réflexion à long terme bien sélective et remarque que le monstre porte… Des bottes. Des bottes parfaitement taillées pour des pattes de loups. Et cela me semble très étrange. Je suis sur le point de les lui retirer avant de songer qu’il s’agit là d’un vol. Voire d’un rackette. Serait-il justice de se dédommager de l’agression en déshabillant notre adversaire alors qu’il est inconscient et au bord de la mort ? Cependant, mes amis ne sauraient accepter ma vision de la chose et je sais que je ne pourrais les empêcher de se servir comme si cela leur appartenait. Voilà un aspect de l’aventure que je déteste profondément et que j’ai pu remarquer à plusieurs instants auprès de plusieurs groupes d’aventuriers. Les aventuriers ont cette culture de la propriété que je trouve dysfonctionnelle ; dès lors qu’un butin est trouvé ou que le vaincu d’un combat est mort ou inconscient, les aventuriers se permettent de considérer les effets comme leurs, sans plus de procès. Pourtant, lorsque l’on trouve le butin de voleurs, ce qui le compose appartient de fait aux victimes des voleurs. Lorsqu’une personne agresse une autre personne, cela ne donne pas d’avantage de droit sur l’autre. Un trésor trouvé au fond d’un temple en ruine devrait faire l’objet de spéculations morales (qui doit hériter de ce trésor ? qui en a le plus besoin ? sous quel circonscription ce trésor est-il soumis ? prendre ce trésor ne relève-t-il pas du « pillage » ? si le trésors était destiné aux morts ou aux dieux, en profiter ne serait-il pas équivalent à de la profanation ou à du blasphème ?) plutôt que d’être partagé sans hésitation par ceux l’ayant hasardeusement ou résolument trouvé. La question serait : d’où vient donc cette mœurs qui ne semble (encore) perturber que moi ?

Qu’importe. Je confie la tâche de prendre ces bottes à Smeralda et me promet de n’en faire aucun usage car je me suis déjà largement senti hypocrite envers mes propres valeurs aujourd’hui – comme quoi, les vieilles habitudes ont la vie longue. C’est là que Smeralda trouve l’aile d’un oiseau dans la gueule du barghest. Ils semblent comprendre qu’il s’agit de l’oiseau d’Oswald et Smeralda décide de la garder dans un morceau d’étoffe. Si l’animal était un vieux compagnon du rôdeur, lui offrir une sépulture décente pourrait peut-être l’aider à faire son deuil. Et si je constate que tous comprennent la gravité de la situation, je suis la seule à ne guère nourrir de sentiments compatissants. Je me sens un brin coupable mais je suis bien la seule que cela concerne.

Il est enfin temps de partir, de quitter ces bois maudits et de rejoindre le Camp Bohémien. Et, évidemment, je ne surprendrai aucun lecteur en annonçant que nous allons tout de suite auprès du temple de Maximilien pour nous reposer.
Je n’aime pas beaucoup cette habitude du groupe à se reposer sur un homme qui ne reconnait rien d’autre de sacré que la beauté d’un art sans sens. Qui dilapide l’argent que bien d’autres auraient besoin et renie les dieux nécessaires au respect des lois et donc à la cohésion des sociétés. D’autant plus que Smeralda m’informe que Maximilien serait lié à un groupe secret dont l’argent et le pouvoirs seraient le prix d’entrée. Maximilien est quelqu’un de naturellement porté sur la bienveillance et je suis ravie que ce soit lui plutôt qu’un autre qui tienne le temple du dieu du chaos. Néanmoins, le prêtre a le devoir d’être capable de se montrer fourbe et user de duperie, s’il doit respecter l’image de son dieu (a moins qu’il n’en vénère que quelques aspects limités). Il doit également fréquenter des individus de tous les alignements, même les plus infâmes et en cela, Smeralda ne pourrait l’admettre à cause de sa marque.

Toutefois, mon état d’esprit ne me permet pas de le faire remarquer. Je viens d’arriver et il y a des urgences à régler. Alors, tandis que nous pénétrons un lieu de création artistiques où plusieurs dizaines d’adeptes enfilent des perles de toutes les couleurs, je propose à Smeralda d’aller chercher de l’eau pour nous laver de nos précédentes aventures pendant que Caracole et Heurtenuit se chargent de présenter le loup au prêtre. Une fois revenues, nous devons attendre la fin de la séance et j’en profite pour aller discuter avec Heurtenuit et en apprendre d’avantage sur elle.

Dame Heurtenuit est issue d’un riche petit village principalement composé de gens de sa caste. Etant dignitaire de la famille divine et pour une raison qui m’échappe encore, la jeune femme s’est très vite sentie mise de côté par les autres habitants et il semblerait que chacun des membres de sa famille aient eut à subir le même sort. Cet isolement, elle fut forcée de le supporter longtemps avant de rencontrer son premier ami avec qui elle partageait une grande complicité. Néanmoins, je découvre que Dame Heurtenuit était douée de dons psioniques qu’elle ne maitrisait pas et cela a causé une grande tragédie dans son village. Un incendie terrible et qui aurait tué sa seule amie. Après cela, Dame Heurtenuit fut exilée et s’enfuit loin où elle rencontra un mentor pour lui enseigner l’art psi. Ainsi devient-elle une grande prodige avant de quitter de nouveau son maître et de partir à l’aventure pour mieux maitriser ses émotions et suivre un idéal d’aventure et d’héroïsme. Toutefois, n’étant acceptée nulle part à cause de son statut ou de l’instabilité de ses pouvoirs, sa solitude trouve refuge auprès d’une nécromancienne, elle aussi paria et mise de côté. Zéphanie, la traitresse. Sa route l’a mené jusqu’à la Compagnie de l’Aube qu’elle a rejoint dans l’espoir de redorer son image et rendre sa famille fière. Espère-t-elle, par le biais de Caracole, étendre sa légende dans tout le pays.

Notre conversation est longue car nous avons à passer la nuit ainsi. J’explique alors mon idéal à Dame Heurtenuit et lui prodigue le conseil de ne jamais gonfler ses faits d’armes et d’agir toujours selon l’héroïne qu’elle souhaiterait devenir. Un conseil plus facile à donner qu’à appliquer au sein de ce groupe mais je sens en Dame Heurtenuit l’étoffe d’une parangonne de courage et de noblesse.

14e jour du 6e mois.

La nuit fut tranquille et j’ai pu profiter pour coucher par écrit mes chroniques et préparer sereinement mes sorts, espérant que nous aurons enfin l’occasion de poser le temps pour discuter. Pour le moment, c’est Oswald qui se réveille et Caracole qui présente la situation. Pour le moment, je reste à distance et me contente de me présenter cordialement. Si le lien s’est vite créé avec Heurtenuit, je crains que cela soit plus difficile avec Oswald. Il est mutique, a un regard qui transperce l’âme et l’attitude d’un animal sauvage. Rien ne me paraît engageant chez cet homme et si Caracole me l’a vendu comme étant un homme de confiance, je reste sur mes gardes et attend d’être convaincue. Pour le moment, c’est Smeralda qui transmet l’aile de l’oiseau d’Oswald à son propriétaire. Je trouve que cela est un peu rapide pour lui annoncer la terrible nouvelle – Caracole était carrément d’avis de ne même pas en parler – mais Smeralda le connaît mieux que moi et je les laisse régler leurs affaires. Je me contente seulement de me rappeler comment il doit être difficile de perdre un compagnon d’aventure. Oswald va avoir besoin de temps. Ce que Heurtenuit ne lui accorde pas puisqu’elle explique alors au rôdeur les évènements de la nuit dernière et de son point de vue. La trahison de Zéphanie, le combat, le feu de forêt. Elle se montre d’une rare honnêteté et je sens son sincère désir de racheter sa faute. Néanmoins, j’ai découvert qu’on n’attendrit pas un mercenaire avec de bons sentiments et je crains qu’Oswald ne juge la mort de Heurtenuit comme nécessaire face aux préjudices qu’il a subi. Un pan de la forêt parti en cendre, son familier dévoré, sa transformation en une bête sanguinaire. Je ressens brusquement et enfin une profonde compassion pour le rôdeur avec qui je m’identifie sans le vouloir. C’est un parcours semblable au mien et je sais d'expérience qu'aucune compensation ne pourrait suffire à apaiser une âme ainsi mutilée. Alors, par précaution, je me tiens prête à lancer un sort de Sanctuaire mais le rôdeur fait preuve d’une sagesse extraordinaire et décide de s’isoler. J’aurai aimé le suivre, tenter de l’apaiser, me sentir utile parce que je partage son sentiment. Mais d’une part, je constate que je ne devrais surtout pas me mêler de ses affaires alors que nous venons de se rencontrer. D’autres part, je sens bien qu’en moi bouillonne un sentiment différent de la simple compassion. J’ai le désir de pouvoir partager mes doutes et les frayeurs, mes idées et mon expérience à quelqu’un qui pourrait me comprendre. Dans un monde idéal, ce quelqu’un pourrait être cet elfe transformé en monstre contre sa volonté et ayant perdu un être cher dans la foulée. Mais je sais que c’est un désir égoïste, biaisé par ma naturelle naïveté et qui doit rester personnel. Il n’aidera en rien cet homme à faire son deuil.

Dans la foulée, Caracole m’explique les affaires qu’ils ont en cours et l’urgence qu’elles représentent. Le groupe a signé un pacte de discrétion, à contracté des dettes et se sont engagés sur des délais qu’ils doivent respecter. Autant dire qu’il n’est pas encore temps de discuter. Il faut organiser. Smeralda m’indique d’autres informations. D’abord, il est impératif pour le groupe de retourner à Gavecombe avant 8 jours car ils ont payé 15 jours d’avance à Valserein. S’ils ne revenaient pas, tout reviendrait à Jarlänne, en plus de la propriété des parents d’Abel (comment ce vieux fourbe de Roc-Vigile a-t-il bien pu leur faire conclure une pareille affaire ?) Par ailleurs, Smeralda m’indique qu’elle est actuellement aux prises avec des charpentiers pour rénover la maison de ses parents et en faire un lieu de repos et dédié au soutien des plus miséreux. Un projet qui me surprend de sa part et qui ne manque pas de m’émouvoir. Je ne peux que constater que Smeralda a changé et je suis fière d’elle, bien qu’un peu amère tout de même qu’elle ait attendu mon départ pour s’engager pleinement sur cette voie. Ou peut-être le suis-je car je constate que les méthodes tyranniques des paladins et du Solaar semblent toujours plus efficaces que mes tentatives désespérées d’idéalisme sans résultat ? L’important d’abord : Smeralda semble être heureuse et fière. Elle s’épanouie enfin hors des griffes de la secte et semble nourrir de l’amour pour elle-même. Cela suffit à mon bonheur. Je lui propose mon aide et je songe qu’il me faudra me rappeler qu’au prochain partage de butin, je dédie une part du mien à sa quête. Utiliser le pronom « nous » pour nous réunir, Smeralda et moi sur un même chemin est un étrange fantasme qui se réalise. Je ne dois pas perdre de vue que même sous l’influence de la secte, elle était responsable de ses actes et que ma dignité vaut autant que la sienne. Je ne dois pas me laisser attendrir.

Finalement, rien n’indiquait qu’il était nécessaire que je reste auprès du groupe après le sauvetage de leur ami lycanthrope. Ne serait-il pas temps pour moi de retourner à Gavecombe ? Puis la question suivante me ramène aux perspectives de la réalité : Par quel miraculeux moyen pourrais-je voyager seule jusqu’au bourg ? Je me souviens des enchainements insolites qui ont menés vers nos retrouvailles et Caracole en profiter pour me fourrer dans les mains toute l’administration de cette Compagnie comme si j’en faisais déjà parti. Son enthousiasme soulagé me dit qu’il me comprend, dorénavant et j’oublie presqu’instantanément toute rancœur à son égard pour me souvenir que jadis, malgré nos vues très différentes sur la question du Bien (et sur nos comportements respectifs), Caracole a été un véritable allié face à la malveillance de Smeralda sur le monde et à l’égocentrisme dangereux d’Arthrus à notre égard. Egocentrisme qui mena Saint Armandras à la mort, si j’en crois les sous-entendus de Smeralda et Caracole. Aujourd’hui encore, je constate qu’il fait tout les efforts possibles pour m’intégrer de nouveau à l’équipe malgré nos dissensions passées.
J’accepte donc de corriger et de revoir la Charte qu’il a rédigé puisqu’il s’agit d’un travail qui peut me passionner mais je refuse de prendre en charge l’argent et la comptabilité de la Compagnie tant que Caracole n’aura pas correctement pris la peine de me débriefer sur les comptes – et secrètement, avoir pris le temps de rediscuter correctement de ce qu’il s’est passé avant mon départ.

Finalement, notre prochaine destination est encore et toujours le temps d’Aahia. Cette fois-ci, notre arrivée concorde avec celle d’un maître d’un art très particulier qui propose une séance très particulière de pliage de papier. Je ne comprends pas immédiatement l’intérêt quand le prêtre m’offre une petite grenouille de papier – dont la valeur doit avoisiner trois mois de salaire d’un paysan… Un cadeau qui ne se refuse donc pas et que je trouve tout aussi attendrissant qu’il est indécent. Quand je le range, je constate que mes interlocuteurs adorent m’offrir toute sorte de babioles inutiles et de cadeaux déraisonnables. Je songe qu’il faudrait que j’en fasse une collection, un jour. L’idée d’un autel où je déposerai tous ces cadeaux près des cendres de mon maître me plaît et cela me fait penser qu’il se plairait peut-être dans ce temple. Maître Gallen était un mage à l’esprit libre et provocateur. S’il avait bien compris que mon aversion pour mes origines maléfiques m’interdiraient à jamais toute collaboration avec le Mal, je pense qu’il devait parfois m’envoyer au village pour s’entretenir avec des personnalités qui ne m’auraient guère plu. Peut-être que la déesse de ce temple saurait accueillir mon maître ?
Lorsque j’en fais la demande à Maximilien, ce dernier m’informe que les cendres de mon maître pourrait, un jour, servir dans une œuvre d’art. Un destin qui aurait certainement beaucoup amusé mon maître mais qui me révolte. Après tout, mon maître n’avait aucune croyance singulière ni volonté de cérémonies funéraires précises. J’aurai tout aussi bien pu disperser ses cendres pour ne plus jamais en reparler. Néanmoins, mon entreprise à surtout une visée égoïste : Je souhaite avoir un lieu de recueillement que je pourrais entretenir et où je pourrais me confier. Brusquement, cette idée de laisser Maximilien se charger des cendres de mon père adoptif m’apparaît comme la pire qui ne m’ait jamais traversé l’esprit.

Finalement, le temps de discuter, je ne me rends pas compte que Caracole a encore disparu. Il me semblait pourtant que nous étions ensemble il y a quelques minutes ? Cette habitude qu’a Caracole à disparaitre et réapparaitre quand bon lui semble ne m’inquiète plus vraiment. Tout du moins : Je lui ai déjà fait part de mes craintes concernant ses petites virées personnelles et à quel point je souhaiterai qu’il prenne en considération le danger que peut représenter un membre du groupe partir seul en exploration. Toutefois, la Compagnie a des habitudes que je n’ai pas et je ne peux guère lui en vouloir pour ça.
Maximilien n’a pas vu Caracole. Heurtenuit est toujours à l’écart – cette façon qu’elle a de ne pas oser faire pleinement partie de la communauté me fend le cœur et j’associe cette tendance à son triste passé et aux derniers évènements dont elle doit assumer les responsabilités. Je ne sais pas comment l’intégrer, moi qui vient à peine de revenir après avoir abandonné le groupe de façon tout à fait éhontée. Je profite seulement que Smeralda et Caracole n’aient aucune rancune à ce propos, ce qui n’est pas le cas de Heurtenuit qui doit encore faire ses preuves. Smeralda, cependant, propose de voir si Caracole n’est pas parti à la taverne – il n’y a pas mille endroits où un barde pourrait se sentir chez lui. Nous l’y retrouvons alors en compagnie d’Oswald avec qui je fini par discuter.

Oswald parle peu et fait beaucoup de mystère. Je réussi toutefois à tirer une explication concernant son embauche au sein de la Compagnie. Il aurait un « projet » qui nécessite des fonds. Il a l’air de vouloir garder cela pour lui et je n’insiste pas mais j’ignore si cela me rassure ou non. Le lecteur aura sûrement deviné que je ne porte pas les mercenaires dans mon cœur à cause de leur capacité à pouvoir changer d’employeur aussi sûrement que l’appât du gain les raisonne et leur tendance à considérer la violence comme la solution aux problèmes les plus épineux. Ajoutez à cela l’indépendance et la méfiance archétypale des rôdeurs et vous pourrez avoir une vague idée du personnage qu’est Oswald à mes yeux. Néanmoins, je ne lui en tient pas rigueur : Il vient de perdre un être cher, nous ne nous connaissons pas et je porte un masque qui n’est pas vraiment plus engageant. Je comprends sa défiance et je ne le trouve pas aussi méchant ou vicieux que l’image que je m’en faisais. C’est un demi-elfe peu sociable et qui semble avoir déjà vécu de terribles évènements. Je ne souhaite pas insister plus. De son côté, Caracole nous informes qu’un potentiel employeur est venu le voir pour l’employer, lui et la compagnie et que notre ami lui a donné rendez-vous à midi.

Par tous les cieux, les dieux ne désirent vraisemblablement pas que je retourne à Gavecombe…

Soit. Nous organisons notre journée ainsi : Nous devons aller au temple pour identifier les bottes volées au barghest, puis revenir à la taverne pour que je puisse être incluses dans les affaires en cours de la Compagnie (notamment celle qui a endettée les compagnons) et rencontrer les nouveaux employeurs.

Nous retournons donc au temple et Caracole se jette immédiatement sur l’atelier de création. Cela est tout à fait prévisible et c’est Smeralda qui m’indique comment nous devrons identifier les bottes : Maximilien possède un  coffre d’identification qu’il prête au groupe pour la modique somme de dix pièces d’or. Nous allons donc au coffre et Smeralda m’indique comme cela fonctionne. Après usage, Smeralda découvre que les bottes sont des bottes elfiques et nous proposons à Oswald de les porter. Oswald grimace : Il nous indique qu’il n’a nul besoin de bottes pour se déplacer silencieusement et qu’il trouvera cela bien plus utile que nous autres soyons plus discrets pour éviter toute difficulté supplémentaire. Nous les proposons à Caracole qui refuse de les porter et se vante de posséder un chapeau de déguisement ( ?! ) sur lequel je vais revenir dans un petit instant. C’est finalement à Smeralda que reviennent les bottes elfiques, pouvant désormais coopérer avec Oswald pour toutes les missions de furtivité et d’infiltration. Un excellent choix puisque les sorts de sommeil et de coercitions de Smeralda en ferait un excellent binôme aux capacités d’archer d’un rôdeur expérimenté.

Un chapeau de déguisement… J’ignore quoi écrire à ce sujet même si mon âme bouilli de sentiments aussi divers que variés. Cet objet me plonge dans des réflexions que je ne devrais pas avoir : Serait-il juste que je demande ce chapeau à Caracole qui semble y être très attaché ? Dans quel but ? Cela me rendrait-il heureuse ? Serais-je tout à fait moi-même si la société était capable de m’accepter sans méfiance ?
Mon masque me permet de dissimuler ma nature mais il n’y a aucune fourberie à annoncer que mon visage n’est pas visible. Le masque indique que quelque chose de pire se cache peut-être derrière. Ou alors est-il l’objet de la duperie théâtrale comme le disaient les prêtres qui m’ont transformés en ce que je suis ? Quelle différence cela pourrait faire avec un déguisement magique ? Cette fois-ci, je me ferai passer pour ce que je ne suis pas. Le masque est une dissimulation. Le déguisement est un mensonge. Dans tous les cas, je me place sous l’égide du dieu libre et cela me questionne.
Mon maître m’a toujours fait porter ce masque dès lors que je fut en âge de me rendre au village. Je n’ai commencé à rationnaliser son port que lorsque je fut capable de réflexions morales poussées et il me semblait naturel de devoir me cacher car tel était le destin des tiefflins qui désiraient vivre en société. Pour mon maître, l’adage « pour vivre heureux, vivons cachés » était la source de cet accoutrement mais pour moi, il s’agissait d’une manière d’épargner aux autres le sentiment de peur et de haine que ma condition pourrait leur insuffler malgré moi. Dévoiler d’abord mon âme avant de dévoiler ma nature. Mais cela n’est-il pas un contrôle que j’exerce sur les autres ? Ne leur retirerai-je pas leur libre-arbitre en leur dissimulant des informations cruciales au jugement qu’ils pourraient porter sur moi ? Peut-être que mon destin était là : Je devrais toujours en faire plus que les autres pour prouver ma valeur tandis que Caracole n’avait guère besoin de fournir le moindre effort pour attiser la confiance. C’était pour cela que Caracole ne remettait jamais en question ses propres réflexions. Sa beauté, son talent, son âge et sa nature faisaient qu’il avait raison pour tout et toujours. Tandis que moi, je ne pouvais qu’avoir tort jusqu’à preuve du contraire.
La vérité est que je n’ai pas besoin d’un chapeau de déguisement. J’ai besoin de me poser les bonnes questions. Et il n’est pas encore temps pour cela. Je laisse mes réflexions de côté car il est l’heure de nous diriger vers la taverne. Caracole souhaite rester au temple pour faire ses pliages en attendant midi et personne n’a rien à y redire. Cela lui fera du bien de se changer les idées.

A la taverne je rencontre donc un scribe qui est affairé sur plusieurs rapports. Il se présente comme un membre de la famille Signeplie, une branche de la lignée des Signelettre, une maison noble célèbre pour être celle des copistes, des écrivains et des érudits. Il est donc tout naturel que toute ma déférence lui revienne. Je me présente et lui indique que je souhaite participer à cette quête et signer la clause de confidentialité qui m’oblige à ne rien divulguer de ce qu’il m’indiquera ensuite :
Herald Perlebourse, membre de la riche et luxueuse maison de Ambrebourse est arrivé au Camp Bohémien pour faire commerce en compagnie de deux gardes. Néanmoins, ce haut dignitaire n’est jamais réapparut après avoir quitté le camp pour les villages plus en amont. Nous avons donc onze jours pour le retrouver et empocher la récompense qui variera selon « l’état » dans lequel nous retrouverons messire Perlebourse.
Cette fois, ce n’est pas tant le destin qui m’a mené vers cette quête qui me pousse à l’accepter mais l’employeur qui peut être de grands alliés si nous sauvions Messire Perlebourse. Je vois là l’occasion de peut-être trouver un emploi bien plus adapté à mes compétences en me faisant embaucher par les dignitaires de la maison  Signelettre qu’à me battre contre mes propres amis pour faire respecter la valeur de la vie et de la dignité. Je tente donc de montrer tout l’honneur qui est le mien d’avoir affaire à messire Signeplie, n’en déplaise à Smeralda qui se moque de moi.

Après l’entrevue, il est enfin temps de rencontrer le nouvel employeur que Caracole souhaite nous présenter. Et pour cela, il faut que j’aille le chercher. Tant mieux, les insinuations de Smeralda sont tout à fait scandaleuses et je la retrouve bien là, avec ses gestes obscènes et ses sous-entendus parfaitement répugnants.

Au temple, Caracole ne semble pas tellement avoir terminé et je dois me battre avec lui pour le sortir de son activité. Je m’y attendais alors je tente de m’occuper de lui avec douceur. Je ne dois pas oublier qu’il a dû, lui aussi, beaucoup souffrir de ses dernières aventures. Néanmoins, il est important pour moi de lui expliquer que le gâchis de feuille froissées qu’il vient de faire est une honte car avec une seule d’entre elles, il suffirait de nourrir une famille entière. Caracole m’insupporte parfois car il a toujours la meilleure idée qui soit pour se déresponsabiliser de ce qui l’ennui. En l’occurrence, il me donne la feuille pour que je la donne à un « pauvre ». Une idée que je trouve mauvaise au vu de notre expérience. Le souvenir de Daruska Roc-Vigile me hante encore et je propose à Caracole de voir cela avec Smeralda qui pourra tout à fait trouver profit pour sa quête en revendant les feuilles que Caracole a froissé. Nous retournons donc à la taverne où Caracole nous indique un couple habillés en aventuriers.

Ils sont sympathiques, généreux, très joviales et passionnés par une chose : des ruines perdues dans Noctaria et qui pourraient être le lieu de repos d’antiques connaissances, d’artefacts perdus et de trésors oubliés. De quoi allumer l’incandescence de ma curiosité. Ce couple se prénomme Landire, fils d’Eclipsïs et Fortune, fille d’Hélios. Ils recherchent une escorte pour les accompagner jusqu’aux ruines afin d’y trouver quelque chose de grande valeur. La quête est dangereuse car nous devrions passer la nuit dans Noctaria, près des ruines – ou dans les ruines selon la logistique du moment – et que nous ne savons pas exactement ce qui nous y attend. Néanmoins, le couple nous propose de satisfaire le prix qui nous plaira. Je suis immédiatement enthousiasmée et je trouve ce couple fort charmant ; d’autant plus qu’ils nous offrent boissons et repas. Les secrets qu’ils font sur l’objet de leur voyage ne les rend pas vraiment avenant mais je comprend qu’ils souhaitent garder privés les informations sensibles qui pourraient attiser la convoitise de potentiels rivaux. Je cerne un peu ces gens et cela n’est pas sans me rappeler les livres que je lisais à propos de chasseurs de trésors aux aventures épiques et pleines de rebondissements, de rivaux fatals, de monstres endormis, d’artefacts aux puissances divines… Faire partie de l’une de ces aventures excite mon imagination.

Mais c’était sans compter l’imprévisibilité de mes compagnons qui réclament immédiatement un salaire exorbitant pour cette mission, prétextant la dangerosité, le manque d’informations et l’absence de volontaires pour Noctaria. Je suis outrée et scandalisée. Je sais qu’ils ont pour stratégie de faire petit à petit descendre les prix mais ce genre de négociation est tout à fait contre mes principes. C’est de la manipulation. Je ne peux pas l’approuver et mon sentiment m’oblige à l’exprimer. Néanmoins, je ne peux pas lutter car je me doute que ce sont pour eux des habitudes d’aventuriers vénaux qu’ils ont pris en mon absence. Malgré les justifications de Smeralda que je trouve tout à fait hors propos, je ne trouve rien de « bon » ou de « juste » dans cette manière d’aborder cette quête. Le ton monte très vite entre nous et devant nos futurs employeurs – peut-être ai-je aussi l’espoir un peu puéril de me désolidariser du groupe face aux deux chasseurs de trésors. Je ne veux pas être complice de cette frauduleuse conversation mais je ne veux pas qu’ils me reprochent d’appauvrir le groupe alors je n’insister pas d’avantage et décide de quitter la table. Oswald me suit et nous rageons devant l’entrée de la taverne. Nous avons nos raisons qui diffèrent et celles d’Oswald me paraissent bien plus pragmatiques que les miennes. Oswald n’est certainement pas un idéaliste et je suis un peu refroidie bien qu’encore une fois, c’est à ses côtés que je me sens un tant soit peu comprise dans mes sentiments. J’hésite encore tout à fait à me plaindre des vilénies de mes compagnons car j’ai cette impression qu’Oswald n’a que peu d’intérêt pour les valeurs que je porte et j’admet sans honte qu’il m’intimide. Nous parlons un peu mais avec beaucoup de distance. Finalement, Dame Heurtenuit, Smeralda et Caracole nous rejoignent dehors pour débattre.

« Débattre ». Un terme à employer au sens le plus littéral car j’explique mes arguments et ceux-là ne sont guères entendus par Smeralda qui me reproche de donner mon avis alors que j’annonce tout net que je ne le donnerai pas. Pour cette peine, je ne peux le lui reprocher car il est vrai que j’exprime malgré tout mon sentiment. Mes actes et mes propos sont dissonants mais par fierté – et aussi car je me permet bien plus de m’exprimer dorénavant que nous nous connaissons – je lui fait remarquer que si elle ne voulait pas de mon avis, elle aurait tout aussi bien pu ne pas nous rejoindre devant la taverne et faire son affaire librement. Dialogue de sourd. C’est Caracole qui fédère et remet les pendules à l’heure. Il nous propose de donner un prix correct et je donne celui qui me semble le plus juste. Mille pièces d’or et pourtant, ils insistent pour se faire payer davantage. Je ne peux pas lutter et il s’agit déjà d’un effort admirable de la part de Caracole de tenter de concilier nos vues sur cette affaire. Admettons donc que je n’ai pas à m’en mêler. Je ne peux pas les contraindre à exercer des prix justes et même si je les quitte, ils continueraient à tenter d’escroquer la moitié de la région sous des prétextes tous plus frauduleux les uns que les autres. Non… Je prendrai mes deux cent pièces d’or et leur abandonnerai le reste pour me désolidariser de leur malhonnêteté. Mieux : Cela sera reversé aux bonnes œuvres de Smeralda. A l’avenir, j’appliquerai cette méthode et éviterai d’être présente au cours des négociations. Je jugerai ce que j’estime de trop pour en faire charité ou le rendre à ceux que je juge avoir été roulé par ces brigands en herbe. J’espère qu’à ce moment-là, je pourrai briller par mon exemplarité et amener mes compagnons à m’imiter mais je ne me fais pas d’illusion. Comme beaucoup d’autres, ils combattent plus le Mal qu’ils n’appliquent le Bien. Comme si faire partie du camp du Bien leur accordait une immunité morale.

Nous finissons par rentrer de nouveau dans la taverne pour proposer nos prix au couple. Ce dernier accepte et je ne peux m’empêcher de me sentir honteuse. Un sentiment que je chasse vite en m’intéressant à la quête qu’ils nous proposent. Rien ne me semble louche honnêtement, ce qui n’est pas l’avis de Smeralda qui s’adresse à ces chasseurs de trésors comme on parle à un vieil ennemi. Je crois que Smeralda a beaucoup de mal à accepter l’idée que l’inégalité est intrinsèque à la richesse et que cette vision limité de l’économie la pousse à détester et mépriser tous ceux qui cherchent à s’enrichir au dépend des autres – ce qui est toujours le cas, même lorsque cela n’est pas ostensible. Bien que cela peut être vu comme le symptôme d’un cœur noble, elle ne se rend pas compte qu’elle pourrait, involontairement, s’attaquer arbitrairement à des innocents.

Des informations que nous glanons, nous apprenons que nous marcherons la journée jusqu’aux ruines. Le couple semble ignorer l’endroit exact où se trouvent les ruines, suivant des indications données mais ils assurent dans un même temps que nous ne risquerions pas de mettre plus d’une journée de marche si nous ne rencontrons pas d’obstacle. Plusieurs théories me parviennent et l’une d’elles me fait penser que ces gens nous cachent quelque chose. Ce qu’ils confirment : Ils nous en indiqueront plus que lorsque nous partirons afin que leurs informations ne fuitent pas – et je trouve que nous en savons déjà beaucoup trop, à présent. Une fois aux ruines, nous serons libre de garder les trésors que nous trouverons, hormis l’artefact – ils semblent également nous indiquer qu’il ne s’agit pas d’un artefact. Vraisemblablement, j’y trouverai mon compte sur place car je pense que des ruines sont des tombeaux idéaux d’antiques savoirs oubliés. Enfin, nos futurs employés nous rassurent sur leur capacité à se défendre mais assurent qu’il serait exclu qu’ils aient à combattre à nos côtés, car après tout c’est pour cela qu’ils nous embauchent. Autrement, de nouvelles informations devraient prochainement être divulguées mais seulement dans deux jours, lorsque nous aurons le temps de nous y pencher car pour l’heure, messire Herald Perlebourse nous attend.

Après le repas, nous partons pour préparer notre excursion près de Noctaria afin de retrouver notre Prince-Marchand disparu. Je soigne Oswald, Smeralda, nous discutons de notre plan et partons tout de go.

Je n’avais pas remarqué que Smeralda nous avait quitté brièvement mais lorsqu’elle nous rejoint, c’est avec une petite statuette dans les mains qu’elle m’offre pour se faire pardonner son comportement dans la taverne. Un geste auquel je ne suis pas du tout habituée et qui me touche beaucoup. Mais lorsque je découvre la statuette, je déchante : Elle m’offre sans le vouloir une représentation du Parieur, le dieu qui favorise la chance, la ruse, le hasard, le bluff. Bref, que des aspects avec lesquels je suis en profond désaccord. Instantanément, je ne saurais cacher mon désenchantement bien que je fais de mon mieux pour l’accepter car il s’agit d’un geste que je trouve très touchant. Néanmoins, j’explique la chose à mon amie et en lui soumettant la raison de mon manque d’enthousiasme, je me sens gênée et propose de confier le dieu chaotique à Caracole qui en apprécierait sans doute mieux les vertus. Cependant, alors que je transmet ce présent à Caracole, avec l’autorisation de Smeralda, Dame Hertenuit se permet une remarque qui me blesse d’abord, sous-entendant que je ne sais pas apprécier un présent venant du cœur. Si je m’en défend d’abord, je comprend mieux lorsqu’elle indique que « j’aurai pu l’accepter tel qu’il est ». Je prend d’abord cela comme l’identification de Dame Heurtenuit à son triste passé et celle-ci m’assure que tout va bien. Mais après coup, alors que nous sommes en route sur le chemin, je me sens honteuse et terriblement ingrate. Qu’est-ce qui compte le plus ? Satisfaire mes accointances religieuses ou aider mon prochain à s’épanouir dans la bienveillance ? Mon regard se tourne vers Caracole mais il est un peu tard pour faire marche arrière. Serait-il poli de redemander à Caracole la statuette alors que je lui en ai fait cadeau sous le regard témoin de toute la compagnie ? Je me ravise mais reste quelque peu rongée par mon manquement, remarqué par la fine observation de Dame Heurtenuit.

Heureusement, je ne suis pas tiraillée longtemps par cette petite affaire puisqu’Oswald décide de me questionner sur une plus grosse : D’une part, les raisons qui me font porter le masque et d’autre part, les observations qu’il a faite sur mon embarras concernant le statut des morts-vivants dans mes croyances morales. Je décide d’être honnête car nous devrons mutuellement veiller sur nos vies et je ne peux pas cacher ma nature indéfiniment. Je me souviens qu’Arthrus s’était senti lésé lorsqu’il l’eut appris par mégarde. Néanmoins, je reste vague et lui indique simplement que mon cas est proche de la non-vie bien que je ne sois pas tout à fait mort-vivante (que les dieux m’aident, je n’arrive toujours pas à le verbaliser correctement). Je lui propose d’en reparler lorsque nous serons de retour au Camp et nous nous concentrons sur le fait de retrouver des pistes.

Pendant que chacun prête ses talents de pisteurs – que je n’ai absolument pas – je me permet de leur transmettre ce que je sais des yétis au détour d’une conversation banale. J’aime beaucoup ce rôle et cela me rappelle mes années à la tour où je guidais les voyageurs vers la connaissance qu’ils désiraient acquérir. De plus, je sens bien que cette fois, je reçois l’attention de mes compagnon et cela me rassure sur le fait que je ne suis pas seulement le boulet moral du groupe ou l’infirmière. D’ailleurs, dois-je préciser que Caracole me présenta pour la première fois à Oswald comme étant « un puits de science » ? Un qualificatif qui me flatta grandement car mes talents de soigneuses semblent souvent plus appréciés que ceux concernant mes connaissances. Je suis heureuse que mes compétences intellectuelles soient réellement et sincèrement reconnues.

Finalement, nous ne trouvons pas de traces et c’est Dame Heurtenuit, encore, qui redresse la situation en indiquant une nouvelle piste qu’Oswald pourrait suivre. Pendant que Caracole fait des âneries (je crois qu’il a dessiné un phallus sur un arbre…), nous poursuivons notre chemin, accompagnés par une très puissante odeur de chlore. Un signe que je ne saurait traduire mais qui nous conduit directement vers les lieux qui connurent de violents affrontements : Des traces dans tous les sens, un bout de chemise de maille lacérée, une dague rouillée et les traces d’un corps traîné plus en profondeur dans les bois. Nous analysons les lieux du crime et je comprend très vite que la lame n’a pas été rouillée par le temps mais après avoir été rongé par un puissant acide (comme du chlore, par exemple ?). Avec la chemise déchirée et les traces de pas semblables à ceux d’un petit dragon, le pire est à craindre. Oswald semble pouvoir continuer à pister grâce aux odeurs laissées par le chlore, ce qui nous mène directement au cœur d’une tourbière.
Voilà un lieu bien accueillant pour recevoir la visite d’une créature aux penchants exquis. Ironiquement, je songe que je me suis promise de bien belles résolutions au cours de ces dernières heures et qu’il serait tout à fait ingrat que je meurs dans l’immédiat sans avoir fait montre de volonté à les respecter.
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Les chroniques de Sou Empty Re: Les chroniques de Sou

Ven 27 Mai 2022 - 18:55
14e jour du 6e mois (Messidor)

Nous arrivons au cœur de la tourbière d’où une tenace odeur de chlore s’échappe. Alors que nous continuons de suivre les traces, nous arrivons près d’un plan d’eau trouble et boueuse d’où semble s’échapper cette drôle d’odeur acide. Par acquis de conscience, nous décidons de faire le tour de la mare afin de nous assurer que les traces que nous suivons de s’égarent pas plus loin dans la tourbière.
Alors que nous sommes sur le point de nous éloigner, quelque chose de grand, une masse informe, sort de la boue, déploie des ailes membraneuse et rugit comme un lion. Sa première attaque ne se fait pas attendre, la créature crache un large nuage corrosif d’acide chloridrique sur nous.
Un dragon. J’estime sa taille à 1m au garrot et de 3m d’envergure. Il est minuscule, ce n’est qu’un dragon juvénile. Ses petites cornes, sa mâchoire incurvée vers le bas et sa crêtes sont des détails qui ne m’échappent pas mais je ne saurais les replacer. J’ignore de quel type de dragon il s’agit . Peu importe, je repère très vite les articulations hésitantes de ses ailes et je conseille mes amis de l’attaquer à cet endroit.
Du reste, je rassemble ce que je sais des dragons chromatiques : Ces créatures sont immunisées au sommeil et à la paralysie. Leur sens sont assez développés pour pouvoir se passer de la vue pour au moins dix-huit mètres. Enfin, leur souffle n’est pas illimité. Un usage du souffle nécessite un repos allant de 12 à 48 secondes.

Le combat s’engage alors rapidement. Je protège Caracole et Oswald nous propose de nous disperser, ce que nous faisons très vite. Smeralda et Annboelune, quant à elles, attaquent le dragon à l’unisson. Assez rapidement, il me semble évident qu’un combat peut être évité par la diplomatie et je propose au dragon, dans une sale position, de discuter. Néanmoins, à peine a-t-il accepté qu’il trahit sa parole. Le combat ne saurait être évité. Oswald se transforme en loup, Caracole lance sa flèche.

Je suis fatiguée de cette violence.

Le dragon s’enfuit dans la mare de boue et Smeralda et moi-même y voyons une ultime possibilité de négociation. Cependant, le dragon attaque Smeralda et rompt de nouveau le pacte de non-agression que j’essaie d’instaurer. J’aurai fait de mon mieux pour que le dialogue prime sur la violence mais je crois que je suis la seule en ce moment à comprendre ce langage-là. Une pensée furtive s’échappe vers les paladins de Chastalbâtre.

S’il n’est plus temps de discuter, j’espère néanmoins que la mégalomanie d’une dragon meurtrier saura se complaire dans sa propre fange. Je lui intime de nous donner la position de ses victimes, comprenant que nous avons sans doute affaire à l’agresseur des deux soldats que nous avons croisés plus tôt. Evidemment, rien ne fonctionne et pis encore, Smeralda est prise en lutte par le dragon qui l’emmène dans la tourbière, alors corrompue par l’acide du souffle du dragon.

L’idée me vient de lancer Sanctuaire sur Smeralda mais je me trompe de cible. Le dragon est protégé par le Sanctuaire mais ne peut plus attaquer Smeralda. Il décide donc de la lâcher et Smeralda peut alors nager en dehors de la mare de boue corrosive. En sortant, si elle perd conscience, je peux néanmoins la soigner. Pendant ce temps, le dragon s’envole et tombe de l’autre côté, dans une marre voisine. Je devine alors que tandis que j’étais concentrée à mes tentatives de négociations, mes compagnons l’avaient bien suffisamment affaiblis pour que le dragon tente de fuir.

C’est le bon moment pour moi d’essayer de sauver le dragon. Mon projet est d’éviter de tuer une créature qui ne fait que sa loi sur son territoire et de seulement en découvrir plus sur notre quête concernant Herald Perlebourse. Cependant, Oswald, sous sa forme animale dans laquelle il me paraît bien coincé, décide de m’en empêcher, comprenant que mes arguments ne traduisent pas réellement le fond de ma pensée. Pour autant, il me semble bien que mes réelles intentions n’avaient jamais eut la moindre signifiance pour mes compagnons. Peu importe pourquoi je souhaite sauver ce dragon, pourvu que le résultat est positif pour nous tous ! Alors pourquoi ce satané chien souhaite plus de mort pour plus de mort ?! Prise en otage par Oswald, les autres restent immobiles et impuissants devant la détermination de l’animal. Peu m’importe ! Je plonge dans l’eau, quitte à me faire mordre, pour sauver le dragon. Chose que chacun à oublié : ce dragon est encore un enfant. Je ne souhaite pas ajouter aux divers crimes moraux du groupe celui d’infanticide.

Encore une fois, Anneboelune est mon alliée dans cette affaire. Elle m’envoie la corde par laquelle je ferais remonter le dragon. Je ressors imbibée de boue et de vase puante. Je sais ce qui m’attend et immédiatement, je fais barrage de mon corps à Oswald qui me semble bien prompt à se salir les crocs du sang d’un enfant de la forêt. Comprenant qu’il ne pourra pas passer outre ma détermination, Oswald s’éloigne et j’espère naïvement qu’il aurait à cœur de respecter mes valeurs. Voilà un mot que je songe à bannir de mon vocabulaire. Lorsque je vois Oswald briser la nuque du dragon dans sa propre gueule, des images me reviennent à l’esprit. Des souvenirs fugaces. La question que je me pose à moi-même est la suivante : l’espoir a-t-il une autre raison d’exister que celui d’engendrer la désillusion et de rajouter au désespoir l’horreur du sentiment d’impuissance ?

Si Smeralda lance un sort pour apaiser Oswald (et empêcher la situation de dégénérer d’avantage), cela ne change rien à la tragédie que je revis au sein même de ce groupe. Pourquoi ai-je accepté de les suivre ? Est-ce que je ne savais pas d’avance quels seraient les enjeux de cette aventure ? Alors que Caracole pointe les évidences, je me retrouve encore dans le doute. Je me sens détester ce monde à chaque nouveau jour que j’y vis. Combien sont-ils comme Oswald ? Comme ce dragon ? Comme Lamaria ? Comme les Maraudeurs Prestes ? Comme le spectre-marchand ?

Je suis fatiguée de cette violence.

Je reste distantes vis-à-vis des questionnements du groupe. Doit-on décapiter le dragon pour ramener une preuve ? Evidemment que non. Une écaille, quelque chose de moins ignoble. Mais le groupe ne me laisse pas le choix. Ils tentent de me convaincre mais je ne suis pas convaincu. Je suis juste fatiguée. Je veux rentrer à Gavecombe. Là-bas, le Mal me semblait plus évident. Ses acteurs, plus caricaturaux.

Dans tous les cas, nous devons descendre dans la tourbière et chacun se dispute qui ira et comment. Je crois que Smeralda n’a pas compris que nous discutions d’un plan puisqu’elle décide d’y aller sans aucun préparatif. Oswald et moi-même l’en empêchons et luis expliquons le plan (je pense que je ne suis pas la seule à fatiguer). Finalement, je décide d’y aller : La douleur m’est égale et je peux me soigner sans problème, une fois dans la flaque d’acide. Je prépare une potion de repli expéditive, Caracole et Smerlda préparent des Lumières Dansantes pour me guider, dans l’eau trouble de la tourbière et enfin, je plonge pour remonter le trésor et les cadavres plongées au fond de l’eau.

Une fois les affaires rassemblées dans le sac sans fond, nous plaçons finalement le dragon en entier sur l’un des chevaux et nous décidons de partir enfin.

Cette aventure m’a convaincue que je n’étais pas faites pour l’aventure. Ne suis-je pas une femme de science et de paix ? Quel genre de vie m’attend, entre les massacres, les pillages et le dédain face à la vie. Peut-être que travailler pour Chastalbâtre ne serait pas une si mauvaise idée. Lamaria est un homme brusque et aux manières très expéditives mais il a plus de sagesse que n’importe quel aventurier rencontré. Ne serais-je pas capable de m’y faire ?

Alors que nous nous dirigeons vers l’orée de la forêt, un cri se fait entendre, grave et guttural. Derrière nous, en draconique, Caracole et moi-même entendons distinctement les mots « Mon frère » prononcés d’un terrible sentiment de fatalité. Et ce n’est pas un dragon qui est à notre poursuite mais deux. Quelque chose en moi s’est brisé, je crois. Quelque chose en moi à réagit par instinct. Mes jambes se sont mises à courir. Mon esprit s’est envolé. Quand j’entend le cri de Anneboelune appeler à l’aide derrière moi, je me rends compte que je me suis enfuie sans mes amis qui ont sûrement besoin de moi.

Cette fois-ci, les dragons sont plus âgés et je réussis à les identifier comme étant des dragons verts. Je les reconnais belliqueux, sournois et très agressifs à la moindre provocation. Si je n’ai pas reconnu le premier, c’est que les plus jeunes ont les écailles sombres qui s’éclaircissent avec les années. C’était bien cette crête distinctive qui m’a rappelé les vieux livres que j’avais compulsées, plus jeune.

Le combat s’annonce très mal et Smeralda est épuisé. Elle s’effondre et Caracole lance un rayon de feu par le yeux en direction de l’un des dragon tandis que Anneboelune lance une déferlante de magie étoilée. La situation est critique. Je me fais blesser par le dragon tandis que je tente de soigner Smeralda. Cette stratégie peut fonctionner mais elle risque d’être très limitée si je me laisse mourir. Finalement, tandis que nous prenons soin les uns des autres pour survivre aux attaques des dragons verts, c’est Oswald qui s’est lancé dans un génocide des dragons verts de la région. Je ne peux pas vraiment lui en faire porter le préjudice, Oswald nous a sauvé. Je suis assommée et je ne sais plus vraiment où je suis ou ce qu’il se passe. Nous venons de participer à un carnage sans nom et de décider une fratrie entière. La seule chose que je peux faire pour me pardonner à moi-même est de construire un autel où pourrons reposer l’âme des dragon. Que leur dieu de destruction les accueille.

Tandis que nous sommes sur le point de partir, Smeralda tombe. Inconsciente. Epuisée. Je sais que je l’ai soigné et surtout, je constate que mes soins ne fonctionnent pas. L’inquiétude monte en moi. Je ne sais pas comment ni pourquoi mais Smeralda a dû être empoisonnée par quelque chose. Je me souviens ensuite des marques de la justice. Je le sais qu’à l’instar de son frère, Smeralda en avait une. Quelque chose s’est passé et nous devons découvrir quoi. Paralysie ? Sommeil ? Coma ? Nous la posons sur le cheval alors que Caracole semble imaginer qu’elle dort et Anneboelune qu’elle fait « exprès ». Je ne peux pas m’empêcher de les trouver particulièrement stupides à ce moment-là. Le déni de Caracole est compréhensible : Il a vécu l’épisode d’Abel. Il sait quelles sont les affres qui nous attendent et quel genre de quête pointe le bout de son nez.

Les souvenirs que j’en garde sont tragiques et mélancoliques. Je me rappelle des nuits entières à prendre soin du corps inerte d’Abel qui me regarde avec des yeux vides. Je l’ai lavé, nourri, je lui ai fait la lecture, chaque nuit de sa malédiction. J’ai entretenu ses muscles, lui ai fait marché le long de sa chambre et je lui ai fait une conversation sans réponse chaque fois qu’il eusse été possible de lui rappeler un peu de vocabulaire. Nous avons traversés Noctaria trois fois, avec toujours plus de monstruosités à combattre. Nous avons demandé de l’aide à toutes les instances de Gavecombe. Et avec, le lot de dédain et de mépris qui sont réservés à tous ceux qui ont le culot de mendier la bonté et la charité sans avoir le pouvoir ni les moyens de les prendre de force. Nous avons dû faire front et rassurer des parents inquiets et désespérés, se laissant affamer chaque jour de plus que leur fils était dans cet état. Nous avons subis l’impuissance, le Mal de la secte, les fantômes du passé revenus pour nous hanter. Cette marque de la justice apporte plus de mal qu’elle ne l’empêche. Le dieu de la justice est injuste, voilà tout.

Je me garde donc d’expliquer ma théorie à mes amis. Oswald n’est pas concerné par cela, Anneboelune a déjà perdue une précieuse amie la veille et surtout, Caracole ne pourrait en supporter plus. Je me sens seule, encore.

Smeralda est morte. Smeralda est morte. Smeralda est. Smeralda. Smeral...

Il s’est passé quelque chose. Je ne sais pas exactement quoi. Nous arrivons au temple du Camp Bohémien avec deux corps. Celui d’un dragon et celui d’une jeune femme. Il semble évident que nous devons nous en occuper. Caracole, lui, fidèle à son irresponsabilité, décide de s’occuper prioritairement du butin ramassé dans la tourbière puis s’essaie à une représentation qu’il ne semble pas maitriser. Quelque chose sonne faux et je ne saurais encore dire quoi. Les harmonies de Caracole ? Ce cadavre dont je recouvre le visage et qui me met mal à l’aise ? L’attitude du prêtre qui a abandonné son habituelle désinvolture ? Même le calme d’Oswald me semble sonner faux. J’ai la sensation d’irréelle réservée à ces moment de fatigue que mon corps mort n’est plus capable de ressentir. Cette sensation de ne plus être tout à fait moi-même ou que le monde n’est plus tout à fait monde. Ce même monde que j’ai pensé détester me paraît si lointain… Quelque chose sonne faux et les accords de musiques de notre barde d’orient s’écrasent dans cette sensation saturnienne de rêverie.

Pour se défaire de cette étrange fausse vraisemblance, je vais faire un bout de trempette grâce aux seaux que nous avons ramener avec Oswald. Nous nous nettoyons et je discute avec Anneboelune qui semble partager avec moi ce sentiment d’étrangeté. Difficile de décrire ce que nous ressentons mais nous comprenons que nous vivons les mêmes choses, au moins pour l’instant présent. Tandis que Maximilien ferme le temple avant l’heure, nous retrouvons Caracole avec qui nous discutons des funérailles des ossements de messire Herald Perlebourse. Cela ne me concerne plus lorsqu’ils parlent de garder des pièces d’électrum estampillées du symbole de la famille Perlebourse trouvés parmi le trésor du dragon. Hors de question de les fondre et de les utiliser. Nous serons honnêtes et surtout avec la famille Perlebourse envers laquelle il est bon de se préserver de toute sorte de dette morale ou financière.

L’essentiel reste cette femme qui doit sûrement mériter également des funérailles mais Caracole semble vouloir préserver un déni sur le fait qu’elle doit seulement être fatiguée. « Elle est juste très faible » me martonne-t-il avec une conviction toute relative. Je n’ose pas le sortir de sa certitude par crainte que son esprit ne le pousse à d’autres retranchements bien plus violents. Parfois, un déni vaut mieux qu’un traumatisme. Parfois l’inverse. Je ne peux pas en juger et Caracole est un adulte. Il saura le bon moment pour comprendre. Alors, nous retournons tous ensemble à la taverne où nous pouvons enfin rendre cette quête aux drôles d’allures.

Nous rendons tous ce qui doit être rendus : L’armure des gardes, le bourse vide, les pièces d’électrum, la dague, tout. Pour récompense, messire Signeplie nous offre une récompense largement méritée. Moralement comme physiquement, le groupe s’est largement dépassé et j’ai même l’impression poisseuse que le prix de cette récompense n’équivaudra jamais à celle payée pour réussir cette mission.

Je fais signer trois contrats avec les Signeplie, assurant que nous avions bien rendu la mission et que nous avions bien été payée. Avec l’administratif, il est souvent nécessaire d’être bête et disciplinée pour s’éviter toute forme d’ennuis avec des formalités ingérables. Peut-être que lorsque je pourrais enfin réaliser mon rêve de vivre dans une grande ville, je pourrais faire valoir cela comme une recommandation auprès de quelque archiviste en mal d’apprenties !

Nous retournons enfin au temple où nous pourrons nous occuper des funérailles de l’amie de mes compagnons. Caracole refuse toujours de comprendre la vérité sur son amie et j’ai pour lui beaucoup de peine. Je suis prête à attendre qu’il comprenne de lui-même mais le prêtre semble être d’un autre avis. Il souhaite faire usage de violence pour ramener Caracole à la réalité mais je sais que cela ne pourrait être bon, ni pour notre barde, ni pour le groupe. Je refuse et d’une même voix, Oswald accepte la proposition du prêtre.

Oswald est un pauvre abruti et le prêtre, un gigantesque tocard. Les rôdeurs et les prêtres ne fon-ils pas partis de ces gens à la sagesse respectable ? La compréhension de l’esprit et de ses émotions ne font-ils pas parti de leurs capacités ? N’est-il pas nécessaire de comprendre les rouages des choses de la nuance pour faire ces métiers ?!

Le prêtre poignarde le corps de la jeune femme devant Caracole et Oswald attaque le prêtre dans son propre temple. Il est nécessaire que j’intervienne pour calmer la situation car sinon, d’autres morts pourraient être à déplorer. Un abruti et un tocard. La situation s’apaise et Caracole, comprenant la gravité de la situation, s’éloigne. C’est Oswald qui le suit et je me contente de rafistoler le corps de la jeune femme en tentant de faire comprendre au prêtre que sa décision a été stupide et irréfléchie. Ce dernier, évidemment, se dédouane de toute responsabilité. Une habitude singulièrement irritante de la part des adorateurs de la Liberté.

La fin de journée s’achève vite. Caracole revient sans son habituelle jovialité et je ne sais comment le consoler. Sans doute, la seule manière de l’aider est d’être présente pour lui. Je ne saurais faire autrement. Caracole décide de dépenser l’argent du groupe pour payer une fortune pour les funérailles du groupe et je décide de me taire. Cette femme semble être très importante pour lui. Cet argent, Maximilien saura l’utiliser à bon escient et les funérailles sont très vites organisées.

Un bûcher est monté sur une place vide. Un barde halfelin convoque à lui des golems sertis de pierreries précieuses et scintillantes. Alors que le barde entonne la première note, les golems, tous en canon, chantent en chœur un profond requiem. Cette ode traverse tout le camp et les spectateurs s’arrêtent pour en profiter. Le corps est emmené au bûcher où un gigantesque feu consume la dépouille. J'observe Caracole et Oswald s’approcher. Quelque chose me perturbe. J’ai une étrange sensation. Je ne suis ni tristes ni en colère, ni apaisée. Quelque chose me perturbe. Je suis attirée par cette scène et une voix au fond de moi me pointe du doigt, me dis que c’est de ma faute. Encore des morts. Toujours des morts. Ce n’est pas ma faute, je n’ai jamais tué personne. Je ne la connais même pas.

Smeralda est morte.

Une voix tourne en boucle dans ma tête et me hante jusqu’au moment de se coucher. Alors que j’allais me mettre à écrire la continuité des chroniques, c’est Oswald qui, transformé de nouveau en sa forme de demi-elfe, m’aborde. Enfin, nous pouvons discuter. Et alors qu’il me reproche le mensonge, je lui reproche tout le reste. La violence, la mort, l’agressivité. Je ne suis jamais disputé ainsi avec quelqu’un. D’habitude, on me reproche de respecter mes valeurs, pas de les enfreindre. Car effectivement, je ne me sens pas fière d’avoir menti. Oswald et moi décidons d’un commun accord de nous faire confiance. Ou d’essayer de nous faire confiance. Si je le trouve encore beaucoup trop violent, je décèle en lui cette sensibilité innée chez ceux qui s’en cachent. Chez ceux qui ont vécu dans le déni d’eux-mêmes et qui refusent catégoriquement de ressentir quoique ce soit pour qui que ce soit car rien n’est moins dangereux que de montrer la tendresse d’un cœur blessé. Quelles différences existent-ils entre lui et moi ? Je décide que désormais, je ne mentirai plus. A lui comme à d’autres, je ne suis pas capable de garder un mensonge effectif très longtemps. Satisfaits, Oswald décide de rester m’accompagner le reste de la nuit tandis que je me plonge dans mes rédaction.

Qui est Smeralda ?
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